Classique / Opéra - Entretien

Cheffe et chanteuse, Barbara Hannigan fait de chaque concert un événement spécial

Cheffe et chanteuse, Barbara Hannigan fait de chaque concert un événement spécial - Critique sortie Classique / Opéra Paris Maison de la Radio et de la Musique


maison de la radio et de la musique / barbara hannigan

Quand dans une œuvre, vous passez de la direction au chant, qu’est-ce que cela implique pour les musiciens ?

B.H. : L’intention est toujours d’aller vers une manière de musique de chambre – mais à quatre-vingt ! Dans Les Illuminations de Britten, je ne dirige finalement pas beaucoup pendant le concert ; le travail a été fait pendant les répétitions. Cela crée, je crois, une plus grande acuité, une conscience plus fine de la musique et aussi plus de confiance. Un peu comme des insectes déployant leurs antennes.

« Aller vers une manière de musique de chambre – mais à quatre-vingt ! » 

Dans une œuvre comme la Lulu Suite de Berg, votre interprétation des parties orchestrales est-elle guidée par la partie vocale qui en surgit ?

B.H. : C’est simple. Je me mets dans la peau de Lulu, y compris comme cheffe. Je suis Lulu, c’est elle qui dirige, de même qu’elle est, chez Wedekind et Berg, l’architecte de sa vie. C’est un personnage qui donne une sensation d’aise physique et cela doit se retrouver dans la façon de diriger.

Le travail avec de grands metteurs en scène a-t-il une influence sur votre gestuelle de cheffe ?

B.H. : Les metteurs en scènes comme Katie Mitchell, Krzysztof Warlikowski, Christoph Marthaler ou Sasha Walz nous amènent à nous libérer sur scène. Alors oui, cela m’a sans doute aidée à trouver des gestes authentiques – ce sont parfois des changements minuscules -, à oser des choses peu orthodoxes, comme dans La Voix humaine de Poulenc, où le geste scénique fusionne avec celui du chef. 

En octobre, vous dirigerez Lonely Child de Claude Vivier, une œuvre que vous avez souvent chantée. Que vous apporte de passer ainsi « de l’autre côté du miroir » ?

B.H. : Cela fait que, pour les chanteurs, il est facile de travailler avec moi : je respire, j’entends si le chanteur a besoin de relâchement ou au contraire de pousser le tempo. Pour Lonely Child, c’est encore plus vrai. C’est une pièce que j’ai beaucoup travaillée avec Reinbert de Leeuw, qui est l’esprit même de Vivier. Je l’ai proposée à Simon Rattle quand il m’a demandé une œuvre qui me tenait à cœur. C’est cette expérience que je veux transmettre à mes collègues quand je passe de l’autre côté. Aphrodite Patoulidou [qui sera la soliste le 8 octobre à la Maison de la Radio] est une jeune cantatrice très spéciale. Elle a la présence idéale pour cette pièce, qui est pureté et mystère et où l’orchestre chante lui aussi dans un long flot monodique.

Vos programmes montrent un goût pour les contrastes et une vraie réflexion sur l’interaction entre les œuvres.

B.H. : J’y pense de plus en plus. Je crois à l’importance de la dramaturgie dans un concert. Peu importe quand la musique a été écrite s’il y a un fil rouge qui relie les œuvres. Avec l’orchestre, il est possible de réduire les forces sans diminuer l’impact. Passer d’une pièce soliste à un effectif plus large, cela revient à alterner gros plan et plan large, comme dans un film. Un concert doit être un événement spécial ; on peut d’ailleurs y introduire de la comédie, comme nous l’avons fait avec Stéphane Degout et Mathieu Amalric pour Animatopia autour de pages animalières de Ravel, Roussel, Saint-Saëns, Poulenc, Satie… Quelle joie, quelle concentration partagées par l’orchestre et le public !

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement


Barbara Hannigan
du samedi 8 octobre 2022 au dimanche 9 octobre 2022
Maison de la Radio et de la Musique
116 avenue du Président Kennedy, 75116 Paris

Samedi 8 octobre à 20h (Vivier, Haydn, Messiaen), dimanche 9 octobre à 16h (en formation de chambre, de Buxtehude à John Luther Adams). Tél. : 01 56 40 15 16


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