Cirque - Critique

Chair et os, spectacle à message de Jérôme Thomas

Chair et os, spectacle à message de Jérôme Thomas - Critique sortie Cirque Dole Théâtre de Dole


THEATRE DE DOLE SCENES DU JURA / Mise en piste Jérôme Thomas assisté de Lise Pauton

Des êtres hybrides, mi-animaux mi-humains, entrent un à un sur la piste. À moitié couverts de poils mais portant des chemises blanches repassées, leur manière de se mouvoir se situe entre le runway et la reptation. Ces personnages thérianthropiques se meuvent sur les beats d’une musique à dominante électronique. Il arrivera que les interprètes quittent leur posture à quatre pattes pour adopter celle d’homo sapiens, ou au contraire qu’ils s’animalisent à l’aide de masques ou de grands manteaux de fourrure, voire qu’ils composent des chimères à bras et à jambes multiples. Les mouvements des circassiens suivent une partition chorégraphiée proche de l’acrodanse, avec des incursions de portés acrobatiques et de contorsion. Extérieur à cette ménagerie, un récitant déclame l’essentiel du texte depuis les gradins. Il incarne l’humanité qui se tient à distance de l’animal, autant qu’il a pour rôle de rappeler ce qui est, d’égrener les chiffres des milliards d’êtres vivants immolés chaque année dans les abattoirs. « Nous sommes armés de notre faim », profère-t-il au début du spectacle.

Où le politique perturbe le poétique

Monstration du rapport schizophrénique de l’humain à la nature, Chair et os réussit dans une certaine mesure. On savait déjà que les arts du mouvement peuvent troubler les normes corporelles qui font frontière entre animal et humain – et il n’est pas nécessaire de revêtir des peaux de bêtes pour y arriver. Le cirque souligne bien ce paradoxe, surtout quand il se donne sous un chapiteau, lieu emblématique d’une autre forme d’exploitation du vivant. Les interprètes trouvent une façon convaincante d’incarner leur animalité, sans céder sur la technique circassienne, bien qu’on s’interroge sur la présence d’un mât chinois, sous-employé. L’effet donné par le texte est moins heureux, sorte de long poème en prose qui abuse des répétitions pour créer des effets ampliatifs. Il y a de belles trouvailles langagières, mais il reste lourd, surtout qu’il est déclamé dans un spoken word affecté, qui ne le vivifie pas. Ce qui réussit le mieux, c’est la ligne sur laquelle se tient le spectacle, en tension entre métaphore poétique et démonstration figurative, comme un reflet dramaturgique de la tension homme-animal. Dommage que la volonté de faire message ne s’incarne pas avec plus de subtilité.

Mathieu Dochtermann

A propos de l'événement


Chair et os
du jeudi 12 mai 2022 au jeudi 12 mai 2022
Théâtre de Dole
30 rue Mont Roland, 39100 Dole

À 20h30. Tél : 03 84 86 03 03. Également le 12 mai 2022 au, les 19 et 20 mai 2022 à L’Espace des Arts Scène Nationale de Chalon-sur-Saône, le 1er juillet 2022 à La Maison Scène conventionnée Art en Territoire à Nevers, et les 4 et 5 juillet 2022 au ​Festival Cirko sul filo, Grugliasco-Turin, Italie. Vu au Chapiteau du Cirque Lili, Centre Hospitalier de La Chartreuse, Dijon.


A lire aussi sur La Terrasse

  • Théâtre - Entretien

L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi, mise en scène de Thibaud Croisy

Thibaud Croisy met en scène L’Homosexuel ou [...]

Du mardi 17 mai 2022 au 23 mai 2022
  • Danse - Agenda

Le Sacre du Printemps de Louis Barreau

Louis Barreau a fait « son Sacre » quand les [...]

Le mardi 10 mai 2022
  • Danse - Critique

Marie-Antoinette du Malandain Ballet Biarritz, un ballet narratif et symbolique au plus près de la vérité humaine

Troisième commande de Laurent Brunner, [...]

Du vendredi 3 juin 2022 au 5 juin 2022