Cécile McLorin Salvant, une voix est née

« Elle a l’élégance, l’âme, l’humour, la sensualité, la puissance, la virtuosité, l’intelligence, la grâce et la profondeur. » Le compliment est signé Wynton Marsalis en personne. Et le plus étonnant, c’est qu’il est difficile de ne pas cautionner chacun des lauriers que tresse le trompettiste américain à Cécile McLorin Salvant. L’écouter, c’est l’adorer. Par la grâce d’un premier album qui a résonné dès sa sortie comme un classique instantané (« Woman Child » Emarcy / Universal, 2013), la demoiselle a commencé peu à peu à séduire le grand public. Mais auparavant, les « professionnels de la profession » avaient déjà adoubé cette jeune chanteuse née à Miami d’une mère française et d’un père haïtien. En 2010, elle avait déjà remporté la Thelonious Monk International Jazz Competition, soit le tremplin jazzistique le plus prestigieux outre-Atlantique. Honneur suprême, le jury était alors composé de pointures telles que Dianne Reeves, Dee Dee Bridgewater, Kurt Elling ou Al Jarreau. A peine quatre ans plus tard, c’était l’Académie du Jazz qui lui décernait le Prix du jazz vocal. Très vite, le nom de cette ancienne étudiante en droit à Aix-en-Provence a commencé à circuler. Quand le saxophoniste Archie Shepp a décidé de re-créer son légendaire album « Attica Blues » avec un big band, il a fait appel à elle. Lorsque le pianiste Jacky Terrasson a voulu deux morceaux chantés (dont le « Oh My Love » de John Lennon) dans son album « Gouache », il a fait appel à elle.

Diva du jazz

Si Cécile McLorin Salvant a littéralement envoûté la crème de la crème du jazz mondial, c’est évidemment pour sa voix équilibriste : son timbre, aussi pur que délicatement éraillé, s’inscrit dans la tradition des grandes voix du jazz américain telles Sarah Vaughan ou Shirley Horn. Mais elle possède aussi un gai savoir, celui des chansons oubliées du répertoire américain. La Franco-Américaine aime reprendre des mélodies entonnées par Valaida Snow ou Bert Williams, des figures méconnues mais ô combien précieuses de l’histoire du jazz : dans sa bouche, « You Bring Out the Savage in Me » ou « Nobody » retrouvent une nouvelle jeunesse. Elle se révèle ainsi une interprète affolante qui semble habitée par une pluie de voix différentes. Et à l’inverse d’une Melody Gardot ou d’une Norah Jones qui aiment flirter avec la pop, Cécile McLorin Salvant se veut diva du jazz. Escortée de la traditionnelle combinaison piano-contrebasse-batterie, la demoiselle swingue avec un naturel confondant sur des arrangements classieux. Pour ne rien gâcher, la Franco-Américaine n’a de cesse de rappeler par sa pratique que le jazz est (aussi) un genre rempli d’humour et de belle humeur. Cécile McLorin Salvant en est une (très) belle ambassadrice !

M. Durand