Avignon - Entretien / Sylvain Huc

Boys don’t cry

Boys don’t cry - Critique sortie Avignon / 2016 Avignon Avignon Off. Théâtre des Hivernales


Théâtre des Hivernales
Chorégraphie Sylvain Huc

On vous a découvert grâce au succès de votre spectacle Le Petit Chaperon Rouge en 2011. Quelle est la démarche globale de votre compagnie ?

Sylvain Huc : J’ai commencé mon travail avec ce spectacle, dans des interrogations spécifiquement liées au jeune public. J’étais un peu navré de la mièvrerie et affligé de constater à quel point on pouvait prendre les enfants pour des idiots. Je suis donc allé les titiller sur un terrain un peu plus rugueux, en interrogeant la relation au spectateur. Cela a été fondateur de ma démarche : comment physiquement perturber le spectateur, comment faire déborder le mouvement du plateau ? Ce qui m’intéresse avant tout, c’est bien le corps et toutes les manières de le représenter, de l’interroger, plus que « la danse ». Cela tient sans doute à mon parcours, car je suis au départ historien, et je suis arrivé assez tardivement à la danse.

Pourquoi avoir retenu l’angle du masculin pour cette pièce ?

S. H. : En découvrant ainsi la danse, j’ai vu des hommes danser, se mettre en mouvement, comme jamais je n’avais pu en voir. Cela m’a tellement intrigué ! Car une telle danse n’existait pas pour moi et ne faisait pas partie de mes représentations. Des années plus tard, j’ai pu créer un trio avec un danseur et un musicien qui a très bien fonctionné, avec une sorte d’évidence. Un rapport masculin, dans ses stéréotypes, s’est installé rapidement, mais de façon très ludique : trois corps de garçons qui veulent trouver leurs limites, leur virilité, leurs rôles sociaux, à quoi ils sont soumis… C’est un sujet finalement assez sensible, puisqu’on en vient à des considérations sur des rapports de sexe, de genre. Dans la représentation masculine aujourd’hui, on balance entre deux modèles : celui d’un sur-mâle viril, mais sensible, une sorte de masculinité un peu idéale entre délicatesse, fragilité et puissance, et celui d’une masculinité où le corps est féminisé, et joue aussi bien sur les codes du masculin que du féminin. J’avais envie de montrer une masculinité plus banale, ordinaire, tendue entre ces deux injonctions d’exister en tant qu’homme.

« Ce qui est très clair dans cette pièce, c’est l’attachement au corps et au mouvement. »

De quelle façon traitez-vous les stéréotypes dans la danse ?

S. H. : Ils n’apparaissent pas de façon littérale, à l’exception d’une séquence où l’on joue avec des kettlebells, qui sont des boules de musculation très à la mode. Nous sommes partis de stéréotypes, mais je n’avais pas envie de les montrer pour les ridiculiser. Ce qui est très clair dans cette pièce, c’est l’attachement au corps et au mouvement. On n’est pas dans la caricature, mais dans quelque chose de plus trouble, comme une tendresse qui viendrait se loger dans les impacts. C’est une matière qui ne met pas en scène un propos ou une critique sociale. Je préfère simplement poser un regard sur le corps.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement


Boys don’t cry
du dimanche 10 juillet 2016 au mercredi 20 juillet 2016
Avignon Off. Théâtre des Hivernales
18 Rue Guillaume Puy, 84000 Avignon, France

à 14h, relâche le 15 juillet. Tél. : 04 90 82 33 12.


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