Théâtre - Critique

Blandine Savetier met en scène Un pas de chat sauvage d’après Marie NDiaye, autour de la chanteuse d’origine cubaine Maria Martinez

Blandine Savetier met en scène Un pas de chat sauvage d’après Marie NDiaye, autour de la chanteuse d’origine cubaine Maria Martinez - Critique sortie Théâtre Strasbourg Théâtre National de Strasbourg


Théâtre National de Strasbourg / Texte d’après Marie NDiaye / Mise en scène de Blandine Savetier

Comme de nombreux textes de Marie NDiaye récemment portés au théâtre, Un pas de chat sauvage est bâti autour de la figure d’une absente. Soit la chanteuse cubaine Maria Martinez qui, par rapport aux créatures hantant Hilda – mise en scène par Elisabeth Chailloux – ou encore Les Serpents – montée par Jacques Vincey – présente une particularité : il s’agit d’une figure qui a réellement existé. Née à La Havane, elle vient se produire en 1850 à Paris où elle connaît une gloire éphémère, où elle est soutenue notamment par Théophile Gautier – qui la traite toutefois de macaque dans l’une de ses lettres – mais où elle souffre également du racisme ordinaire de l’époque. Cela avant de disparaître sans laisser beaucoup de traces, hormis quelques lettres d’appel à l’aide sur lesquelles Marie NDiaye ferme son récit, qui doit son rapport au réel à son contexte d’écriture. Un pas de chat sauvage est en effet la réponse à une commande du Musée d’Orsay pour l’exposition de 2019 « Le Modèle noir – de Géricault à Matisse ». C’est là l’une des particularités du texte qui ont séduit la metteure en scène Blandine Savetier et son collaborateur Waddah Saab, avec qui elle a adapté les romans Neige d’Orhan Pamuk et Le Siècle des Lumières d’Alejo Carpentier. Mais si l’autrice créait mystère et tension autour de son personnage historique, celui-ci perd au plateau beaucoup de sa force, de son aura presque métaphysique. Les deux interprètes principales de ce Pas de chat sauvage, Natalie Dessay et Nancy Nkusi promettaient pourtant une approche délicate et contrastée de leur protagoniste historique.

De la photographie au cliché

Natalie Dessay interprétait déjà le rôle central du Hilda d’Elisabeth Chailloux. Quant à la deuxième, actrice belge d’origine rwandaise que l’on a pu voir auprès de Milo Rau dans Hate Radio ou encore dans l’opéra Jungle Book de Bob Wilson, ses talents en chant et danse présentaient un bel atout pour aborder la personnalité de Maria Martinez. Dans le rôle de la narratrice du récit, une historienne et universitaire blanche obsédée par Maria Martinez, mais incapable d’écrire le livre qu’elle souhaite lui consacrer à partir de photos prises par Nadar entre 1856 et 1859 d’une certaine « Maria l’Antillaise » – elle identifie celle-ci à l’artiste cubaine –, Natalie Dessay laisse hélas peu de place aux mystères qui entourent le projet d’écriture en question. Au lieu d’en suggérer les énigmes, elle surligne les traits saillants de sa partition écrite dans une langue simplifiée, oralisée par rapport au texte original plutôt sinueux. Elle surjoue l’hystérie face à la page blanche. Blanche, elle l’est aussi elle-même fortement face à Nancy Nkusi, qui incarne avec force gestes et sensualité une artiste noire du nom de Marie Sachs, fictive celle-ci et fascinée également par Maria Martinez. Accompagnées sur scène par le musicien Greg Duret, dont les apparitions clownesques, presque vulgaires, sont superflues, les deux comédiennes font de la différence de couleur de peau de leurs personnages l’explication principale de leur relation tumultueuse. Au détriment de l’étrangeté qui chez Marie NDiaye subsiste jusqu’à la fin du texte, qui est aussi le début du livre de la narratrice.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Un pas de chat sauvage
du jeudi 2 mars 2023 au vendredi 10 mars 2023
Théâtre National de Strasbourg
1 Avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg

à 20h, sauf le 4 à 18h. Relâche dimanche 5. Durée : 1h25.


Tel : 03 88 24 88 00.


www.tns.fr


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