Théâtre - Critique

Belle du Seigneur

Belle du Seigneur - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête


Théâtre de la Tempête / de Albert Cohen (Extraits) / mes Jean-Claude Fall et Renaud Marie Leblanc

Le roman Belle du Seigneur d’Albert Cohen est une fresque somptueuse sur la fatalité amoureuse, ancrée dans une peinture réaliste de la société cosmopolite de Genève pendant l’entre-deux guerres. La jeune femme du titre éponyme se nomme Ariane – Ariane d’Auble, de famille aristocrate protestante, épouse malheureuse d’un petit bourgeois obscur Adrien Deume et amoureuse ardente de Solal, haut responsable juif de la Société des Nations. Dans la mise en scène de Jean-Claude Fall et de Renaud Marie Leblanc, cette Belle du Seigneur aurait pu se nommer Diane ou bien même Suzanne, selon les références antiques ou religieuses iconographiques, qu’il s’agisse de Diane au bain de Watteau ou de Jeune Fille se baignant de Renoir ou de Suzanne et les vieillards de Rembrandt ou de Rubens. Le public aujourd’hui tient le rôle des vieillards, si ce n’est que les spectateurs ne sont plus les voyeurs bibliques. Des voilages blancs, tant sur la baignoire que sur la nudité de Roxane Borgna, recouvrent d’un mystère pudique et patient ce beau portrait féminin. Nulle référence n’est donnée au monde contemporain, la baignoire reste universelle, du meurtre de Marat aux baigneuses glamour de la peinture ou du cinéma. L’élément sanitaire peut même devenir à certains instants, cercueil, quand la jeune femme s’immerge dans l’eau du bain pour en finir plus vite.

Force d’âme et élan vital

Il existe bien un supplice de la baignoire qui consiste à plonger la tête de la victime dans l’eau d’une baignoire pour l’amener à parler. Mais cette « proie » vivante de littérature est au théâtre maîtresse d’elle-même : il s’agit de faire entendre le goût et le sel de la parole foisonnante de Cohen à travers le monologue intérieur de la jeune femme paradoxalement libérée du regard de l’autre, tout à tour enfantine et consentante, ou bien cruelle et révoltée. Elle évoque son époux, son amant et surtout sa passion fatale pour Solal « … j’ai été une sorte de vierge violée de temps en temps par l’iram et je me laissais faire par pitié un peu violée par S aussi et je me laissais faire par amitié estime vanité aussi ou l’idiote fierté de constater que j’étais désirable… » L’amour véritable, Ariane l’accorde au seul Solal : « … je ne veux pas vous perdre l’éternité c’est chaque soirée chaque moment avec vous mon seigneur donc mourir pas important… » En attendant une fin tragique insoupçonnée, la jeune femme vit, libre et épanouie, les jambes levées, la chevelure secouée en arc-en-ciel rayonnant de gouttelettes irisées, en position assise ou bien arc-boutée sur le rebord de la baignoire, ou encore gisante au fond de l’élément aquatique. L’actrice enthousiaste communique au public une force d’âme et un élan vital incontournables.

Véronique Hotte

A propos de l'événement


Belle du Seigneur
du jeudi 15 novembre 2012 au dimanche 16 décembre 2012
Théâtre de la Tempête
Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris.
Du 15 novembre au 16 décembre 2012, du mardi au samedi à 19h45, dimanche à 15h30. Tél : 01 43 28 36 36

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