Théâtre - Critique

Alice, de l’autre côté. Texte d’après Lewis Carroll, mise en scène de Charlie Windelschmidt

Alice, de l’autre côté. Texte d’après Lewis Carroll, mise en scène de Charlie Windelschmidt - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête


Théâtre de la Tempête

Dans la peau d’Alice, la célèbre héroïne de Lewis Carroll, Chloé Lavaud-Almar est la seule des six interprètes de la pièce de Charlie Windelschmidt à évoluer à visage découvert. Les autres, à commencer par la créature couronnée, penchée sur une canne, que l’on doit contourner pour gagner notre place, sont rendus méconnaissables par des masques de latex. Toutes ridées, déformées, ces prothèses disent d’emblée la liberté avec laquelle le metteur en scène, directeur de la compagnie Dérézo, s’empare de De l’autre côté du miroir (1871), suite du roman Alice au pays des merveilles. Monstrueuses, mais aussi comiques, grotesques, les figures qui entourent l’actrice à la tête nue et à la jambe plâtrée – symbole des barrières personnelles que devra surmonter Alice pour trouver ce qu’elle est allée chercher en quittant son confort de petite fille sans histoires – sont le cœur de la mécanique théâtrale de Charlie Windelschmidt. Une mécanique dont on devine la précision, mais dont les signes extérieurs, bizarres, se présentent à nous comme à Alice : telles des énigmes. Les six drôles et inquiétants vieillards que rencontre la protagoniste les uns après les autres mêlent réalisme et artifice de telle façon que chacun de leurs mouvements, et surtout de leurs paroles, apparaissent dans toute leur folie et leur étrangeté. Avec vigueur, ils sortent Lewis Carroll de l’image enfantine dans laquelle le temps a eu tendance à le cantonner.

Alice au pays du plastique

Comme dans Alice au pays des merveilles, le temps est d’ailleurs au centre de De l’autre côté du miroir. C’est un temps inversé, où l’on peut connaître et vivre un fait situé dans l’avenir avant que d’avoir traversé les événements qui y ont mené. C’est un espace où, pour rester sur place, il faut courir vite. Autant de choses impossibles dans la vie, que les six comédiens rendent évidents au plateau. Chacun avec une gestuelle en accord avec son masque, ils savent aussi être des pions d’échiquier – fidèle en cela au roman, la scène est recouverte d’un quadrillage géant – doublés de vieillards en plastique, eux-mêmes habités par de jeunes gens susceptibles de faire leur apparition à tout moment. On se perd volontiers dans ces épaisseurs multiples, dont la découverte nous pousse à faire comme Alice : à abandonner notre logique habituelle, et donc le langage qui l’exprime. Ponctuant le parcours initiatique de l’héroïne, qui de pion va devenir reine, des poèmes et des chansons écrits dans un idiome où l’inventé côtoie l’existant exhibent l’arbitraire du signe comme une créature de foire. S’il est très visuel, le spectacle de Charlie Windelschmidt l’est d’abord pour donner concrètement vie au langage, pour y faire pousser des chimères. Avec Alice, on en ressort avec un peu plus de force, et de liberté.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Alice, de l’autre côté
du vendredi 28 janvier 2022 au vendredi 18 février 2022
Théâtre de la Tempête
Route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris.

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tel : 01 43 28 36 36. www.la-tempete.fr


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