Théâtre - Critique

Reprise d’« Incandescences » d’Ahmed Madani, un formidable travail choral autour du sujet de l’amour

Reprise d’« Incandescences » d’Ahmed Madani, un formidable travail choral autour du sujet de l’amour - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête


Théâtre de La Tempête

Neuf garçons et filles non catégorisables. C’est sans doute ce qui fait la force du théâtre d’Ahmed Madani. Si son théâtre s’est fondé sur la rencontre avec des jeunes non professionnels, nés de parents ayant vécu l’exil et résidant dans des quartiers populaires, ce n’est pas pour se calquer sur tels ou tels discours ou attentes, mais bien pour porter à la scène dans la dignité la vivante complexité de chaque existence, lestée de ses forces et ses fragilités. Pour révéler aussi avec finesse les liens et les contradictions qui se nouent entre divers parcours, les échos et résonances qui s’articulent entre l’intime et le politique, entre les contextes familiaux, socio-économiques et historiques. Avec toujours une touche d’inattendu. Dernier volet de la trilogie Face à leur destin, Incandescences fait suite à Illumination(s), qui traverse l’Histoire depuis la Guerre d’Algérie tout en investissant le présent, et à F(l)ammes, qui met en scène avec humour et vivacité dix jeunes femmes de banlieue qui se livrent sur leurs doutes et leurs espoirs. À nouveau s’affirment haut et fort le plaisir du théâtre et le goût du partage, autour d’un thème ultra-sensible : l’amour, la sexualité, le désir. Un champ de possibles nourri de surprises et de détours, mais aussi un champ d’impossibles asséché par les diktats familiaux ou religieux.

Entre le jeu et l’être, le goût du partage 

Au départ, chacun ou chacune évoque l’histoire de ses parents – coup de foudre, mariage arrangé, foyer polygame, père baratineur, silence radio car le sujet est tabou… -, avant de revenir sur soi, des premiers émois aux défis à venir. Dans une forme d’ambiguïté entre le jeu et l’être, entre la réalité et la fiction, le spectacle-performance navigue entre légèreté et gravité, se fait caisse de résonance à la fois des préoccupations de la jeunesse et des particularismes de chacun. On retrouve le beau travail du vidéaste Nicolas Clauss, ainsi que le travail choral commun aux trois volets. Conjuguant jeu, chant et danse, les interprètes font preuve d’énergie et détermination. Ils se confrontent à plusieurs entraves : omniprésence des écrans qui font et défont la réputation, harcèlent et condamnent, surveillance au nom de la religion évidemment pour « le bien » de la femme, tension entre normes de l’islam portées par le père et découverte de sa singularité, viol passé sous silence pour éviter la stigmatisation… Entre injonctions et désirs d’émancipation, l’équation n’est pas simple à résoudre. Loin des idées toutes faites, les jeunes comédiens offrent un moment d’humanité partagée qui s’ouvre au futur.

Agnès Santi

A propos de l'événement


Incandescences
du jeudi 29 février 2024 au dimanche 31 mars 2024
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris

du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h. Tél :  01 43 28 36 36. Spectacle vu au Théâtre La Piscine à Chatenay-Malabry. Durée : 1h50.


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