Théâtre - Critique

Agnès

Agnès - Critique sortie Théâtre Ivry-sur-Seine _Théâtre des Quartiers d’Ivry


Théâtre des Quartiers d’Ivry
Texte et mise en scène Catherine Anne

« Elle a douze ans, pas de flirt, très sérieuse, bonne en maths, bosseuse, elle veut s’en sortir, éclater la coque, ne pas subir ainsi comme eux toujours. » Elle, c’est Agnès, enfant sans histoire qui grandit dans une tour plantée quelque part au tournant des années 70. Une gamine qui croque la vie avec bon appétit, lutte pour tracer son avenir au loin de la misère des banlieues, jusqu’à cette nuit où son père l’entraîne dans la salle de bain… Depuis, elle subit ses assauts jaloux et étouffe son calvaire sous le plomb d’une coupable honte. Rien à faire, les mots restent coincés. Ils crient pourtant, à lui déchirer la tête, à lui lacérer les chairs.  Viol, inceste. Rien à faire, les mots se taisent. Tout comme les voisins d’ailleurs, surtout soucieux de ne pas se mêler des affaires « privées » des autres. Même sa mère n’y voit rien, écrasée qu’elle est par le souci quotidien, la peur diffuse et surtout le schéma phallocrate. Résignée, elle aussi, à subir la domination masculine.

Sans pathos

Catherine Anne composa Agnès voici vingt ans, dans l’élan d’un drôle de hasard qui lui fit connaître le témoignage d’une jeune femme victime d’inceste puis assister à une représentation de L’Ecole des femmes de Molière. « J’avais été frappée par la proximité des situations et par la différence des éclairages, se souvient-elle. Dans ces deux textes, il est question d’amour, de désir, d’affection, de passion, de pouvoir et de face-à-face masculin/féminin. ». Elle présente aujourd’hui les deux pièces en alternance avec une troupe exclusivement féminine. Il n’est pas sûr que la metteuse en scène serve au mieux l’auteure. Son texte garde pourtant toute sa puissance de déflagration et cogne avec justes coups le mur du silence, lâchement dressé par les complicités passives et les inconsciences tranquilles. Elle aborde ce douloureux problème de société sans pathos ni fioriture, par la force des situations, où Agnès apparaît tour à tour enfant, adolescente et jeune femme. La mise en scène en revanche paraît fort datée. Non à cause des costumes taillés dans les années 70, mais plutôt par le jeu, qui force souvent le trait, et la scénographie, bricolée sans esthétique. Reste la parole d’Agnès, troublante, qui dit cette blessure à jamais fichée dans l’être.

Gwénola David

A propos de l'événement


Agnès
du lundi 6 janvier 2014 au vendredi 21 février 2014
_Théâtre des Quartiers d’Ivry
1 rue Simon Dereure, 94200 Ivry-sur-Seine.
Jusqu’au 2 février 2014, en alternance. Tél. : 01 43 90 11 11. Puis en tournée : du 4 au 8 février 2014, Espace Malraux, Scène nationale de Chambéry et de Savoie ; du 11 au 15 février, à La Comédie de Picardie à Amiens ; les 20 et 21 février, au Rayon Vert, Scène Conventionnée de Saint Valéry en Caux.

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