Théâtre - Entretien

Agnès Troly

Agnès Troly - Critique sortie Théâtre


« Ce festival a donné confiance aux compagnies, aux programmateurs et au public. »

Un festival de jeunes compagnies : pourquoi et comment ?

Agnès Troly : Quand Olivier Py était à la tête d’une jeune compagnie débutante, il est passé avec son premier spectacle à Turbulences, que Claudine Gironès organisait à Strasbourg. Ca l’a aidé pour continuer. Il y a aujourd’hui de moins en moins d’espace pour aider à la visibilité des jeunes compagnies, et le souhait d’Olivier de contribuer à cette visibilité a toujours été très fort. A sa demande, je me suis mise en recherche, d’abord dans toutes les régions de France, puis en Europe, de compagnies pas encore connues du grand public et des professionnels. Chaque année j’ai vu une bonne quarantaine de spectacles, pour en retenir sept ou huit. Partout, j’ai découvert des gens qui travaillaient, souvent avec peu de moyens. Je me suis aperçu que le futur du théâtre était là. J’ai l’impression que ce travail a porté ses fruits : ce festival a donné confiance aux compagnies, aux programmateurs et au public. Nombreux sont ceux qui ont acquis une certaine reconnaissance et une plus grande facilité à créer de nouveaux projets.

Quels sont vos critères de sélection ?

A. T. : Il faut en voir beaucoup pour découvrir les pépites, car par définition, ces compagnies ne sont pas repérées. Me guident l’intérêt, la nouveauté, l’originalité, la singularité, l’attention portée aux nouvelles écritures théâtrales et scéniques. Chaque année apporte sa moisson de propositions intéressantes, et je n’ai pas forcément de critères vraiment définis. Ce qui est important, c’est la découverte. Chaque saison, une couleur particulière se dégage. La sélection de cette année reflète l’état d’esprit et l’ouverture au monde de jeunes metteurs en scène qui regardent autour d’eux et tâchent de comprendre l’autre par la rencontre sur le plateau et sur le terrain. C’est la caractéristique forte de cette saison-là : comment vivre ensemble, comment faire des choses ensemble, comment rencontrer l’autre ?

Croyez-vous au génie méconnu ?

A. T. : Non, car les mailles du filet sont de plus en plus serrées, mais je crois sincèrement qu’il est de plus en plus difficile d’accéder à des conditions de travail et de visibilité normales, pour cause de restriction des budgets et des moyens. Les scènes institutionnelles peuvent de moins en moins prendre des risques avec les jeunes compagnies. La question ne se pose pas en terme de génie méconnu mais en terme de grande précarité.

Sous la direction d’Olivier Py, l’Odéon a accordé une grande attention à la jeunesse, celle des artistes comme celle du public. Pourquoi ?

A. T. : Le plus facile et le plus évident est d’inviter les plus grands artistes européens. Mais il faut aller un peu plus loin, si on veut amener le public de demain au théâtre. Il faut ouvrir les plateaux aux jeunes créateurs. Le théâtre est un service public qui doit servir d’abord à subventionner le spectateur : il ne s’agit pas seulement de montrer ce dont il sait déjà que c’est formidable, et dont tout le monde parle. Les grands artistes sont des phares et des repères, il faut continuer à montrer leur travail, mais il faut aussi penser à aujourd’hui et à demain, et à ceux qui ont besoin d’exercer leur talent. Nous sommes heureux de notre bilan à l’Odéon. Le public a énormément rajeuni. Nous accueillons des jeunes gens curieux de théâtre, qui viennent voir de jeunes artistes. Il est vital de faire cela dans tous les arts et tous les domaines, et d’autant plus au théâtre, qui est l’art du présent : il ne s’agit pas seulement de faire le théâtre avec les artistes d’hier.
 

Propos recueillis par Catherine Robert


Impatience – Festival de jeunes compagnies. Du 9 au 14 mai 2012. Invasion ! de Jonas Hassen Khemiri ; mise en scène d’Antù Romero Nunes ; les 9 et 10 mai à 20h, aux Ateliers Berthier. Mamma Medea de Tom Lanoye ; mise en scène de Christophe Sermet ; les 9 et 10 mai à 20h, au Théâtre de l’Odéon. La Fête, de Spiro Scimone ; mise en scène du collectif De Quark ; le 11 mai à 20h30 ; le 13 à 18h et le 14 à 19h, au CentQuatre. Le Signal du promeneur, conception et mise en scène du Raoul Collectif ; le 12 mai, à 15h et 20h, aux Ateliers Berthier. Partage de midi, de Paul Claudel ; mis en scène de Jean-Christophe Blondel ; le 12 mai à 20h et le 13 à 15h, au Théâtre de l’Odéon. Embrassez-les tous, de Barbara M. Chastanier ; mise en scène de Keti Irubetagoyena ; le 13 mai à 20h et le 14 à 20h30, au CentQuatre. Théâtre de l’Odéon,  Ateliers Berthier, et CentQuatre. Tél : 01 44 85 40 40 (Odéon) ou 01 53 35 50 00 (CentQuatre). www.theatre-odeon.eu ou www.104.fr

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