Avignon

A quoi on sert ?

A quoi on sert ? - Critique sortie Avignon / 2011


Qu’est-ce qui est à l’origine de cette création ?
 
Paul Fructus : C’est l’association “Signes en fête“, regroupant divers comités d’entreprise de la région PACA, dont celui des cheminots, avec qui j’ai déjà travaillé à plusieurs reprises, qui m’a proposé de réaliser un travail d’enquête, d’écriture et de création théâtrale sur la souffrance au travail. Depuis le début de mon parcours professionnel, je me suis énormément intéressé au monde du travail. Mon lieu de naissance théâtrale a été une pièce consacrée à l’histoire des chantiers navals de Port de Bouc. J’ai aussi travaillé sur la mémoire des gens de Cluny, et sur celle de la sidérurgie en Lorraine. Cette création que j’interprète avec Florence Pasquet est fondée sur une cinquantaine de témoignages, auxquels s’ajoutent des considérations exprimant comment telle personne m’a fait penser à tel état du monde aujourd’hui. Deux musiciens ont composé les musiques pour le spectacle. C’est un théâtre documentaire mais avec des états d’âme.
 
« Je raconte des histoires pour qu’on ne m’en raconte plus. »
 
Comment avez-vous procédé pour recueillir les témoignages et pour les porter à la scène  ?

P. F. : J’ai rencontré des gens dans toute la France, travaillant dans le public et le privé, dans des corps de métier très divers. Ces gens parlent de leurs illusions, leurs désillusions, leur dégoût, leur colère, leurs éclats de rire. La règle du jeu est claire, j’écoute mais je n’effectue pas une retranscription de magnétophone ; tout en étant au plus près des faits et des gestes, je crée une traduction théâtrale et scénique de ce matériau. Je dois être précautionneux. Ces gens ont des choses impressionnantes à raconter, y compris à travers leurs silences. J’essaie d’être le porte-parole et de leurs mots et de leurs silences. Je raconte la vie des gens pour qu’on arrête de me dire que ces gens n’ont pas d’histoire. Je raconte des histoires pour qu’on ne m’en raconte plus.
 
Quel regard portez-vous sur toutes ces expériences professionnelles ?
 
P. F. : Ce qui m’a frappé dans toutes ces rencontres, c’est une question, qui est revenue très souvent : « à quoi on sert ? ». Cette création m’a rappelé mon travail sur le monde des utopies, Charles Fourier (1772-1837) disait que la grande maladie de notre civilisation, c’est l’obsession de vendre. Une des clefs de voûte de cet univers que j’essaie de raconter, c’est qu’aujourd’hui, le monde de la vente est devenu hypertrophié. Tout est à vendre et chaque personne doit se vendre. La conséquence de tout ça, c’est une caporalisation monstrueuse, un glissement de l’être vers le paraître.

Propos recueillis par Agnès Santi

Avignon Off. A quoi on joue ? Tais-toi et bosse de Paul Fructus. Du 8 au 30 juillet à 19h30 (relâche le lundi) à la Bourse du Travail CGT, 8 rue Campane. Tél : 07 86 67 89 41.

A propos de l'événement




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