Théâtre - Critique

A nu

A nu - Critique sortie Théâtre Paris Vingtième Théâtre


Vingtième Théâtre / d’après Strip search, de Sydney Lumet et Tom Fontana / adaptation et mes Marc Saez

A cour, une salle d’interrogatoire du service antiterroriste chinois ; à jardin, la même, mutatis mutandis, aux Etats-Unis. Le propos de la pièce est très vite évident : passer du mutatis mutandis au ceteris paribus. Une fois effectués les changements nécessaires, les choses se valent. L’analogie tourne à l’identité. Le face-à-face entre l’officier obtus de la police chinoise et la touriste américaine est le même que celui entre l’enquêtrice américaine sadique et le mystérieux basané qu’elle soumet à la question. Mêmes répliques, dites à jardin puis à cour, charge étant laissée aux comédiens d’interpréter ce même texte en modulant ses effets. Régulièrement rappelé à la crainte par le rougeoiement du plan Vigipirate et les annonces de complots visant les intérêts français jusque dans les hautes sphères de la République, le spectateur français est évidemment saisi par le premier effet de répétition : le fielleux Chinois est aussi paranoïaque que l’explosive Américaine, l’homme en uniforme aussi pervers que la femme en tailleur-pantalon, et l’archaïsme en bambous des supplices orientaux aussi cruel que la modernité high-tech des tortures occidentales.

Fear is the path to the dark side

Anatole Thibault et Véronique Picciotto, à cour, Pascale Denizane et Helmi Dridi, à jardin, campent avec une impressionnante vérité ces variations sur le thème de la violence légitime dont est détenteur l’Etat, surtout quand il est convaincu qu’un complot se prépare qui met la sécurité en péril. Strip search a été réalisé par Sydney Lumet pour dénoncer les conséquences liberticides des attentats du 11 septembre et du Patriot Act. Marc Saez, séduit par la force épouvantable de ce double huis clos, en a très habilement adapté le scénario, créant une partition théâtrale efficace, que les quatre comédiens interprètent avec talent. Ils réussissent, malgré les effets répétitifs, à ménager le suspense jusqu’à la mise à nu finale, où les victimes se retrouvent dans la même misérable et scandaleuse solitude. De celle de Margarete Buber-Neumann à celle d’Hannah Arendt, nombreuses sont les œuvres qui ont réfléchi les totalitarismes en miroir. Rien de bien neuf, donc, dans ce parallèle entre la terreur totalitaire chinoise et la phobie autoritariste américaine. Grand Satan contre fous de Dieu : toujours la pureté du bien contre le mal incarné par l’autre. Reste à élucider les conditions d’une telle détestation réciproque pour parvenir à la dépasser. Là n’est évidemment pas le propos de la pièce, qui dans son genre, est diablement efficace et terrorisante.

Catherine Robert

A propos de l'événement


A nu
du mercredi 5 mars 2014 au dimanche 20 avril 2014
Vingtième Théâtre
7 Rue des Plâtrières, 75020 Paris, France

Du 5 mars au 20 avril 2014. Du mercredi au samedi à 19h30 ; le dimanche à 15h. Tél. : 01 43 66 01 13. Durée : 1h35.


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