La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Yoann Bourgeois

Yoann Bourgeois - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : DR Légende photo : Yoann Bourgeois

Publié le 10 mai 2012 - N° 198

Métaphysique des corps

Un bloc de bois imposant peu à peu se déconstruit et se métamorphose tandis que s’égraine au piano L’Art de la fugue de Bach. Un homme et une femme se cherchent, luttent contre l’inéluctable chute des corps, quêtent l’apesanteur, recommencent, encore et encore. Dans cette pièce ourlée de mystère, le circassien Yoann Bourgeois, en duo avec la danseuse Marie Fonte, déploie une poétique de l’espace, du temps et du mouvement qui révèle la métaphysique des corps.

 « Une multiplicité de forces et de rapports qui forment et déforment le sens. »

Quelle est la matière circassienne que vous travaillez ?

Yoann Bourgeois : J’appréhende la figure, élément fondamental de la grammaire du cirque, comme un motif. Ce vocable m’ouvre un autre imaginaire, relié à la musique et au dessin, que la perspective d’une surenchère de prouesse qui sous-tend l’écriture d’un numéro classique. La matière circassienne se construit par la mise en relation du corps et de forces physiques, rendues lisibles par le mouvement, par le rapport concret au réel. Je travaille à partir d’actions élémentaires telles que pousser, tirer, porter, monter, glisser, tomber… J’ai d’abord exploré différents motif dans une série de formes courtes écrites très précisément, des « fugues », qui visent à faire voir la musique et présentent chaque fois le rapport d’un homme à un objet. L’Art de la fugue poursuit cette recherche.

Quel dialogue avez-vous noué avec l’œuvre de Bach ?

Y. B. : N’étant pas musicien, mon approche est plus intuitive qu’analytique et se fonde sur ce que je ressens à l’écoute : des voix qui se superposent sans hiérarchies, des contrepoints qui se déclinent en variations, des motifs qui apparaissent, disparaissent, ressurgissent autrement. La dramaturgie s’appuie sur les thèmes et la structure de la partition, qui plie et replie le temps. Elle se matérialise dans l’écriture scénique et dans la scénographie : un cube, volume fini, monolithique, se déploie à l’infini dans l’espace. Ma démarche vient aussi de ma pratique du jonglage, envisagé comme art de la « non-manipulation » : l’objet me manipule autant que je le manipule, pour laisser du jeu, au sens mécanique. Le mouvement nait de la dynamique de forces en quête d’un équilibre, d’un point de suspension qui ouvre à la polysémie. La relation avec Marie Fonte, danseuse, se développe sur ce mode, en une multiplicité de forces et de rapports qui forment et déforment le sens.

La chute revient aussi comme un leitmotiv…

Y. B. : L’humain est soumis à une force fondamentale, la gravité. Tout tombe : c’est à partir de cette donnée que tout se construit. Il n’y a pas plus grand drame.

 

Entretien réalisé par Gwénola David


L’Art de la fugue, conception et mise en scène de Yoann Bourgeois. Du 22 mai au 9 juin 2012, à 20h30, relâche dimanche et lundi. Le Monfort Théâtre, Parc Georges Brassens, 106 rue Brancion 75015 Paris. Tél. : 01 56 08 33 46. Durée : 1h.

A propos de l'événement


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