La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Victor ou les enfants au pouvoir

La nouvelle star de la clarinette klezmer.

Publié le 10 mars 2007 - N° 146

Gilles Bouillon fait grincer les rouages de ce chef-d’?uvre d’insolence signé
Roger Vitrac. Réjouissant !

« Et il n?a que neuf ans. Il promet le totor ! » s’exclame Lili, la
bonne, victime d’un odieux chantage doublé d’une accusation mensongère. Elle ne
croit pas si bien dire? Car, en ce jour d’anniversaire, le géant en culottes
courtes, « terriblement intelligent », a décidé du haut de ses deux
mètres d’être « quelque chose de neuf » : rejetant en bloc les
compromissions adultes et l’ordre mortifère de la société bourgeoise, il va se
livrer à un réjouissant jeu de massacre, allumant un à un les pétards farceurs
cachés dans le double-fond des vies privées de son entourage, pour dynamiter les
fondations de la famille, de l’armée, de la religion et du travail. Joli feu
d’artifice ! Le fils prodige, fierté des époux Paumelle, refuse de jouer la
comédie de la respectabilité? Et voilà qu’aussitôt se détraque la machine bien
huilée des convenances  adultères ; inceste, sexualité, scatologie,
patriotisme, démence et mort giclent sur la scène, annonçant le dérèglement
généralisé des comportements sociaux tenus dans le corset des bonnes m’urs.
Saboteur dadaïste – « canaille » disait André Breton qui l’exclut en 1924
du groupe des Surréalistes, Roger Vitrac en profite pour mettre cul par-dessus
tête tous les genres plénipotentiaires du théâtre : torpillant le réalisme,
détournant la tragédie, minant de l’intérieur le symbolisme, il met aussi le
vaudeville en miettes. Tant et si bien que la fête tourne au désastre dans la
dérision.

Un rire criblé d’inquiétude

« Est-ce là que nous allons ? Alors tant mieux ! » aurait dit Gide, au
lendemain de la première déflagration de cette bombe iconoclaste, dégoupillée
par Antonin Artaud et son Théâtre Alfred Jarry à la Comédie des Champs-Élysées
le 24 décembre 1928. C’est au tour de Gilles Bouillon d’empoigner cette pièce
trop rarement jouée. Et disons d’emblée que sa mise en scène réussit à faire
grincer les rouages de la satire, toujours aussi corrosive, et lui extorque un
rire criblé d’inquiétude. Optant pour une scénographie tout de blanc design, des
costumes légèrement décalés, il frotte le burlesque et l’absurde, le tragique et
l’onirique, tend la corde du suspens et lâche soudain la bride aux instincts
refoulés. A ce jeu-là, les comédiens, Christophe Reymond en tête mais aussi
l’équipe du Jeune Théâtre en Région Centre (Hélène Stadnicki, Mathilde
Martineau, Alice Benoit, Gaëtan Guérin?) sont épatants !

Gwénola David

Victor ou les enfants au pouvoir, de Roger Vitrac, mise en scène de
Gilles Bouillon, du 9 au 24 mars, à 20h30, relâche mercredi et dimanche, au
Théâtre à Chatillon, 51 boulevard de la Liberté, 92 320 Châtillon. Rens. 01 55
48 06 90. Durée 1h50. Spectacle vu au CDR de Tours.

A propos de l'événement


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