La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Victor ou les Enfants au pouvoir

Victor ou les Enfants au pouvoir - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Ville
Crédit photo : Jean-Louis Fernandez Légende : « Thomas Durand dans Victor ou les Enfants au pouvoir par Emmanuel Demarcy-Mota. »

Critique
Théâtre de la Ville / de Roger Vitrac / mes Emmanuel Demarcy-Mota

Publié le 2 mars 2013 - N° 207

Nouveau langage scénique et théâtre contemporain, Victor ou les enfants au pouvoir dessine une élégante danse macabre sous le regard de Demarcy-Mota. 

Artaud crée la pièce de Vitrac en 1928, sans succès. Anouilh la reprend en 1962, un triomphe, une « éclatante démonstration du caractère prophétique des intuitions verbales et scéniques de Vitrac ». Avec ses personnages types de la Bonne, du Général, du Mari, de la Femme, de la Maîtresse, Victor ou les enfants au pouvoir pourrait revêtir des allures de comédie traditionnelle, façon divertissement. Or, l’auteur préfère compter avec l’enfant instable, figure de l’avenir et du changement, qui met à bas les certitudes de la sainte famille bourgeoise des années 30. Une question dans l’air du temps de cette année 2013. L’enfant est d’habitude absent de l’existence scénique. Puisque cette figure générationnelle est inconnue du répertoire, ne nous attardons pas sur l’enfant sage comme une image. Ce Victor-là est mal élevé et n’atteindra jamais l’âge de raison : il donne des coups de pied et casse les précieux vases de Chine. Un provocateur et un rebelle, un esthète complice de Jarry et de ses monologues surréalistes : parole imagée et débridée, jeux scéniques cocasses, un terrain miné, préparatoire à l’art de Ionesco. Finis les carcans rigides de la bonne éducation, prêtons intuitivement l’oreille à l’opposition filiale et subversive de l’éveil du printemps.

Histoire sempiternelle de mensonge

Or, même si l’enfant de jadis, cher à la Comtesse de Ségur, est à jamais perdu, la Mort ne relâche pas sa bride. Deux paroles sont en concurrence, celle de Victor, 1m 80, plein de verve et de maturité virile, le jour de ses neuf ans. Face à lui, « les autres » au langage stéréotypé, faux et cachottier : Lili la bonne (Sarah Karbasnikoff), le père Charles (Serge Maggiani), la mère Émilie (Élodie Bouchez), Esther (Anne Kaempf), camarade de jeux et amoureuse de Victor, fille de Thérèse (Valérie Dashwood), maîtresse de Charles, et fille encore d’Antoine (Hugues Quester) ; enfin, le Général (Philippe Demarle) et l’étrange Ida Mortemart (Laurence Roy), silhouette fantastique, atteinte d’un mal trivial qui heurte la bonne société. Histoire sempiternelle d’adultère, de mensonge et d’hypocrisie, sous couvert de mondanités. Pour prêter vie aux contrariétés de l’existence d’un enfant qui n’en est plus un, Emmanuel Demarcy-Mota invente avec le scénographe Yves Collet un espace post-moderne éblouissant, tendance « installation » – grand cube blanc transparent aux murs mobiles, cerné par un plan d’eau que jonche un fouillis de feuilles mortes. Au-dessus, la menace d’une racine végétale inversée, un arbre en suspension déplacé de sa terre nourricière, annonciateur de la proximité du néant. Aux côtés de Thomas Durand – un Victor libre -, tous sont engagés dans ce carnage. 

Véronique Hotte

A propos de l'événement

Victor ou les Enfants au pouvoir
du lundi 18 mars 2013 au vendredi 29 mars 2013
Théâtre de la Ville
2, place du Châtelet 75004 Paris

Du 18 au 29 mars 2013 à 20h30. Tél : 01 42 74 22 77
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