La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Critique

Utopia mia

Utopia mia - Critique sortie Danse Meyrin Théâtre Forum Meyrin
© Philippe Weissbrodt Cinq interprètes mettent en oeuvre une joyeuse dynamique.

Théâtre Sévelin 36 / Chorégraphie de Philippe Saire

Publié le 26 novembre 2014 - N° 227

Après l’expérimental Néons en janvier dernier, le chorégraphe suisse Philippe Saire crée Utopia Mia à Lausanne. Une pièce très personnelle, joyeuse et attachante. 

Le spectacle ne constitue-t-il pas en soi une utopie ? Dans cet interstice hors du temps, hors du monde, une poignée d’êtres humains s’assoit dans l’obscurité, téléphones portables supposés éteints et remisés au fond des poches, pour suivre quelques-uns de leurs semblables dans une aventure éphémère. Depuis une trentaine d’années, Philippe Saire, au fil de ses créations, rebâtit inlassablement cette forme d’utopie. Utopia mia se révèle donc avant tout une fertile mise en abyme. Pendant 70 minutes, le chorégraphe, né en 1957, revisite les aspirations de sa jeunesse, musicales, politiques et sexuelles. Il s’inspire des mouvements qui ont marqué sa génération : hippie, rock, psychédélique, etc. Cinq danseurs, deux femmes et trois hommes, rejouent son parcours personnel. Le décor est sobre : un plan incliné qui sert à ces explorateurs d’un genre particulier, d’aire de repos et de lieu de contemplation. Quelques vidéos projettent en arrière-plan des images d’ondes, tantôt aquatiques, tantôt électriques, selon l’atmosphère de l’instant. La musique guide cette quête, éprouvée directement par les corps. Les uns ondulent de plaisir tandis que d’autres s’enflamment aux vibrations des guitares électriques. On retient un rock jouissif et libératoire, galopant sur le plateau, une transe hallucinatoire des deux danseuses ou encore un solo planant, aux arrêts très « flower power ».

Touchante déclaration

La chorégraphie, vif enchevêtrement de mouvements et de styles tous azimuts, apparaît exigeante. Différents tons s’y retrouvent dans une relative harmonie : l’attente énigmatique du début laisse place à une fraîcheur poétique et à un humour léger. Les personnalités complémentaires des cinq interprètes portent cette dynamique. L’usage d’objets – les vêtements bien sûr, emblématiques d’une époque révolue, mais aussi des symboles comme l’inénarrable fourgon Wolkswagen ou la bonne vieille tente canadienne –  ajoute, non sans une pointe de dérision, à l’impression générale de familiarité joyeuse. Si pour le spectateur le plaisir est réel, Utopia mia peine cependant à dépasser l’anecdote pour s’ancrer dans une réalité immédiate. L’idée même d’utopie ne devrait-elle pas s’accompagner naturellement d’audace ? La nostalgie, même si elle se moque d’elle-même, étouffe parfois la jeunesse des interprètes. Quel est le sens de l’utopie aujourd’hui ? Philippe Saire propose tout de même une réponse, intime, comme une touchante déclaration. La sienne, qui perdure par-delà toutes les tentatives, et qui reste la danse. Comme une renaissance permanente.

Marie-Valentine Chaudon

A propos de l'événement

Utopia mia
du jeudi 4 décembre 2014 au vendredi 12 décembre 2014
Théâtre Forum Meyrin
Place des Cinq-Continents 1, 1217 Meyrin, Suisse

Les 4 et 5 décembre 2014. Tél : +41 22 989 34 34. Théâtre Nuithonie, 7 rue du Centre à Villars-sur-Glâne (Fribourg, Suisse). Les 9 et 10 décembre 2014. Tél : +41 26 407 51 41. Forum Saint-Georges, 5 route de Bâle  2800 Delémont (Suisse). Les 11 et 12 décembre 2014. Tél : +41 32 422 50 22. Spectacle vu au Théâtre Sevelin 36, 36 av. de Sévelin, Lausanne (Suisse). Tél. +41 21 620 00 11.

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