La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2014 - Entretien Giorgio Barberio Corsetti

Une traversée initiatique

Une traversée initiatique - Critique sortie Avignon / 2014 Avignon Cour d’honneur du Palais des Papes
© Achille Lepera

Cour d’honneur / Le Prince de Hombourg Gymnase du lycée Saint-Joseph / La Famille Schroffenstein / De Heinrich von Kleist / mes Giorgio Barberio Corsetti

Publié le 23 juin 2014 - N° 222

Le cœur ou la loi ? La passion ou le devoir ? La responsabilité ou l’obéissance ? Dans Le Prince de Hombourg, pièce achevée quelques semaines avant de se tuer, à 34 ans, Kleist frotte les contraires, opposant à la discipline militaire la liberté séditieuse du rêve et la force du désir. Le metteur en scène italien Giorgio Barberio Corsetti dévoile, au revers de cette œuvre ultime, le cheminement initiatique qui mène vers la vie.

Olivier Py vous a suggéré cette pièce. Quel sens donnez-vous à la tragédie du Prince de Hombourg, dessinée sur la toile d’un épisode célèbre de l’histoire allemande ?

Giorgio Barberio Corsetti : Kleist tisse son poème sur une fable simple : au cours de la bataille de Fehrbellin, qui opposa les Brandebourgeois aux Suédois en 1675, le Prince de Hombourg enfreint les ordres de son oncle, le Grand Electeur, mais remporte le combat. Malgré cette victoire, il est condamné à mort pour son indiscipline. Sur cette trame historique se dessine le récit d’une initiation cruelle, peut-être nécessaire pour accepter la vie réelle. Le prince, somnambule, vit dans l’univers parallèle des rêves et se confronte brutalement à la réalité lors de la campagne militaire. Il gagne mais en transgressant la loi, en se déréglant, en agissant selon son désir. Il doit accepter d’être coupable pour être touché par la grâce et intégré dans le monde adulte. Chaque passage de cette transformation alchimique, du palais au champ de bataille, de la prison au lieu d’exécution puis d’apothéose, est marqué par des symboles et des actes manqués, chutes, évanouissements… Autant de blancs de la conscience où se glissent alors d’autres forces. Cette pièce est parsemée d’énigmes, d’objets qui font le lien entre le songe et le réel. Elle laisse sourdre, derrière les apparences, l’ombre de mouvements secrets, impitoyables, connectés à l’inconscient.

« Cette pièce est parsemée d’énigmes, d’objets qui font le lien entre le songe et le réel. »

Comment, par la mise en scène, éclairer le mystère sans le percer donc détruire ce qui fait la force de l’œuvre ?

G. B. C. : La mise en scène cerne l’énigme, c’est au spectateur de donner sa propre résonance… Kleist nous fait voir l’histoire par le regard du Prince. Je cherche à déployer cet imaginaire qui peu à peu envahit l’espace et les autres, comme un voyage à travers les zones obscures qui nous habitent. Pour cela, le décor naturel de la Cour d’honneur du Palais des Papes produit sur le spectateur une puissante impression : la scène, surplombée par l’immense façade de pierre, elle-même dominée par le ciel, semble nichée au fond d’un puits, au creux d’un abyme. Mais avant tout, la densité du sens passe par les acteurs, qui, en vivant pleinement l’expérience du poème, peuvent nous la faire partager. C’est Xavier Gallais qui incarne le Prince, parce que, de par sa physicalité, il a cette étonnante capacité de rendre concret les mots poétiques.

Vous présentez également La Famille Schroffenstein, première pièce de Kleist, avec les jeunes comédiens de l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes. Que voudriez-vous leur transmettre ?

G. B. C. : J’aimerais leur donner le goût du travail artisanal du théâtre, qui continue jour après jour, depuis les premières répétitions jusqu’à la dernière représentation. Leur faire comprendre que chaque scène recèle une évidence à trouver, qui peut surgir en explorant ce qui se raconte mais aussi en laissant affleurer ce qui est caché. Souvent, elle se révèle lors des filages, lorsqu’on peut appréhender la pièce dans son ensemble, vivre la traversée. Nous travaillons sur la présence, sur ce qui est dit et ce qui ne l’est pas, pour faire résonner cela en eux et ouvrir un espace de jeu.

 

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Le Prince de Hombourg
du vendredi 4 juillet 2014 au samedi 19 juillet 2014
Cour d’honneur du Palais des Papes
Palais des Papes, Place du Palais, 84000 Avignon, France

Cour d’honneur du Palais des Papes. Du 4 au 13 juillet 2014, relâche le 7, à 22h. Durée : 2h30. La Famille Schroffenstein, Gymnase du lycée Saint-Joseph. Du 16 au 19 juillet à 18h. Durée : 2h30. Tél. : 04 90 14 14 14. Textes publiés aux éditions Actes Sud, collection Babel, dans la traduction de Ruth Orthmann et Éloi Recoing.

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