La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Une mouette et autres cas d’espèces

Une mouette et autres cas d’espèces - Critique sortie Théâtre Nanterre Nanterre-Amandiers
Une mouette et autres cas d’espèces. CR : Hervé Bellamy

Nanterre-Amandiers / d’après Tchekhov / mes Hubert Colas

Publié le 28 décembre 2016 - N° 250

Cette Mouette n’est pas de Tchekhov mais de six auteurs contemporains dont les variations orchestrées par Hubert Colas ont du mal à prendre leur envol.

Inutile de réviser votre classique. Les éléments principaux de La Mouette de Tchekhov vous reviendront rapidement à l’esprit en assistant à la version qu’en propose Hubert Colas. A moins de vouloir affiner votre étude de l’intertexte, vous n’aurez pas besoin de relecture préalable pour vous rappeler que l’apprentie comédienne Nina y est au centre d’une rivalité entre Trigorine, auteur à succès, et Treplev, jeune dramaturge déjà raté, dont la pièce écrite pour Nina va être raillée par sa propre mère. Dans La Mouette, il est donc question de théâtre mais aussi, comme toujours chez Tchekhov, d’illusions perdues, de conflits de générations et de désirs de renouveau. On sait toutefois Hubert Colas adepte d’écritures contemporaines. Martin Crimp, Rainald Goetz, Sonia Chiambretto ou Annie Zadek lui ont récemment fourni matière à de nombreux spectacles. S’éloignant de la version originale de l’auteur russe, il a donc demandé à cette dernière, ainsi qu’à Édith Azam, Liliane Giraudon, Nathalie Quintane et Jacob Wren de réécrire chaque acte de la comédie. Un travail de fragments assemblés par Colas, qui a donné naissance à un texte hybride, habilement recousu, que précède un prologue cinglant signé Angélica Liddell.

Une matière finalement trop dense

Rien à reprocher aux acteurs, troupe jeune aux accents multiples, qui évoluent sur de rigolos fauteuils club sur roulettes qui traversent la scène en de longues glissades. Rien à reprocher aux auteurs, qui produisent des textes somme toute assez homogènes : une écriture qui commente autant qu’elle raconte ; une réflexion sur le monde contemporain, sur le théâtre, sur la pièce de Tchekhov et ses évocations ; de l’humour, absurde, grotesque parfois ; du politique ; de l’esthétique, tout en retraversant l’histoire de La Mouette. Rien à reprocher non plus à la mise en scène : multimedia avec emploi convaincant de la vidéo et de projections, scènes dansées, intermèdes musicaux, la variété des moyens colle au disparate des écritures. Rien à reprocher alors ? Non. Rien. Sauf une matière finalement trop dense qui empêche de respirer. D’allusions en citations, d’échos en clins d’œil, le spectateur se perd. Retrouve parfois la trame puis se perd à nouveau. Coincé sous le méta-théâtre, le théâtre peine à surgir. Prise dans ses commentaires, l’action ne parvient pas à se déployer. Serré dans les bras de l’intelligence, le sensible trouve difficilement à s’exprimer. Chaque fragment est pourtant pétris de qualités et plein de promesses. Mais de morceau en morceau, ainsi haché et comprimé, le spectacle ne trouve pas son rythme et laisse le spectateur déboussolé. Cette Mouette, finalement, vole haut mais ne parvient que trop rarement à décoller.

Eric Demey

A propos de l'événement

Une mouette et autres cas d’espèces
du jeudi 12 janvier 2017 au samedi 21 janvier 2017
Nanterre-Amandiers
7 Avenue Pablo Picasso, 92000 Nanterre, France

, mardi, mercredi, vendredi à 20h30, jeudi à 19h30, samedi à 18h30, dimanche à 15h30. Tel. : 01 46 14 70 00. Durée : 2h15. Spectacle vu à Bonlieu, scène nationale d’Annecy.

Le 26 janvier au Théâtre-cinéma Paul Eluard à Choisy-le-Roi.

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