La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Une adoration

Une adoration - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
Océane Mozas, Jeanne Lazar et Yann Lesvenan dans Une Adoration. Crédit : Simon Gosselin

Théâtre de la Tempête / d’après Nancy Huston / mes Laurent Hatat

Publié le 24 janvier 2018 - N° 262

Le metteur en scène Laurent Hatat adapte au théâtre le roman de Nancy Huston Une Adoration. Créé en novembre 2015 à la Comédie de Béthune – Centre dramatique national Hauts-de-France, ce spectacle aujourd’hui repris dans la petite salle du Théâtre de la Tempête apparaît un peu court…

Dans Une Adoration (roman paru en 2003 aux Editions Actes Sud), il faut près de quatre cents pages à Nancy Huston pour faire le tour des voix qui viennent dire, devant un juge silencieux, ce qu’elles savent de Cosmo, acteur célèbre assassiné dans des circonstances mystérieuses une nuit d’août 1989. Quatre cents pages d’une matière foisonnante et imaginative au cours desquelles des femmes et des hommes se succèdent à la barre, vivants ou morts, mais aussi une biche, une baguette, une glycine, un cèdre du Liban, Dom Juan, un personnage de romancière… Sans oublier le couteau ayant servi au crime. Dans l’adaptation théâtrale de cette œuvre polyphonique présentée par le metteur en scène Laurent Hatat, le magistrat est remplacé par le public, auquel s’adressent de manière directe et souvent ludique les interprètes du spectacle. Il y a Océane Mozas, dans le rôle d’Elke, une mère de famille qui entretenait une relation amoureuse avec Cosmo. Il y a Jeanne Lazar et Yann Lesvenan, les deux enfants de cette femme qui portent un regard tranché sur l’amant de leur mère. Il y a, enfin, Emma Gustafsson, qui donne corps à une figure énigmatique prenant en charge différentes paroles et différents protagonistes.

Une représentation kaléidoscopique                                          

Et puis, comme en contrepoint à ces présences très incarnées, très concrètes, des projections vidéo permettent à d’autres témoins (notamment interprétés par Sylvie Debrun et Daniel Delabesse) de faire leur apparition. Ceci sur deux supports : à l’avant-scène, en gros plans, à travers un vieux poste de télévision en noir et blanc ; au-dessus de l’espace de jeu, sur un écran suspendu représentant une verrière ruisselante de pluie (la scénographie est de Laurent Hatat et Nicolas Tourte, ce dernier signe également les vidéos). Pleine de dérision et d’étrangeté, l’atmosphère hétérogène de cette représentation donne l’impression d’un kaléidoscope. Tout concourt en effet, dans cette réduction théâtrale d’Une Adoration, à la multiplicité et au contraste. Les personnages s’opposent et se mettent en cause les uns les autres. Les paroles se croisent et s’entrechoquent, brouillant les lignes de faits qui peinent à s’éclaircir. Bien qu’impeccablement réalisé, ce numéro d’équilibrisme entre fiction et réalité nous laisse sur notre faim. Il manque d’une forme d’ampleur. D’envergure. La force expansive du roman de Nancy Huston n’est pas là. Restent les ellipses d’un joli exercice de style.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Une adoration
du vendredi 19 janvier 2018 au dimanche 18 février 2018
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris

Salle Copi. Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30. Durée de la représentation : 1h30. Tél. : 01 43 28 36 36. www.la-tempete.fr.

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