La Terrasse

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Théâtre - Critique

Un Amour qui ne finit pas

Un Amour qui ne finit pas - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Oeuvre
Léa Drucker et Michel Fau dans Un Amour qui ne finit pas d’André Roussin. Crédit visuel : Marcel Hartmann Press

Théâtre de l’Œuvre / d’André Roussin / mes Michel Fau

Publié le 27 mai 2015 - N° 233

Deux épouses, deux maris : diverses visions du mariage, de l’amour, du bonheur. Michel Fau met en scène et interprète une comédie d’André Roussin, auteur emblématique du théâtre de boulevard de l’après-guerre. Sans totalement sortir du spectacle de genre.

Né en 1911 à Marseille, décédé à Paris en 1987 après avoir été élu à l’Académie française en 1973 et avoir représenté, durant près de 40 ans, le pan le plus ambitieux du théâtre de boulevard hexagonal, André Roussin est l’auteur d’une œuvre qui fuit l’anecdote pour porter un regard anguleux, profond, sur la société de l’après-guerre. Ecrite en 1963, Un Amour qui ne finit pas nous projette aux frontières du théâtre de l’absurde, développant l’idée d’un bonheur qui ne pourrait être atteint qu’à travers un amour absolu, idéal, un amour totalement immatériel (et unilatéral) dans lequel l’être aimé ne prendrait aucune part active… C’est l’aventure dans laquelle se lance un homme marié (Jean, Michel Fau), personnage singulier qui ne trouve plus de satisfaction dans les “liaisons extraconjugales classiques” qu’il enchaîne, depuis des années, en toute transparence vis-à-vis de son épouse (Germaine, Léa Drucker). Il décide un jour de changer de vie en jetant son dévolu sur un être inaccessible, une femme mariée (Juliette, Pascale Arbillot), amoureuse de son époux (Roger, Pierre Cassignard) et déterminée à lui rester fidèle. Jean ne demande d’ailleurs qu’une seule chose à cette femme qu’il juge exceptionnelle : l’autorisation de lui rendre compte – par voie épistolaire – de la relation platonique qu’il a choisi de vivre, à distance, avec elle.

Michel Fau, magistral d’humanité

Au sein d’un décor en noir et blanc (signé Bernard Fau) qui juxtapose, dans un effet miroir, d’un côté le salon du couple Jean/Germaine, de l’autre celui du couple Juliette/Roger, les interprètes d’Un Amour qui ne finit pas (Audrey Langle et Philippe Etesse complètent la distribution) nous entraînent dans une spirale empruntant à la fois aux codes d’une comédie de boulevard et aux accents plus subtils, plus mélancoliques d’une comédie dramatique. Car si le personnage auquel donne naissance Michel Fau est tout simplement magistral d’humanité, de nuances, de poésie, la mise en scène du comédien cantonne le rôle de sa femme à une caricature de bourgeoise (du reste, remarquablement incarné par Léa Drucker). Quant au couple interprété par Pascale Arbillot et Pierre Cassignard, il s’inscrit dans cette même dualité (la virtuosité en moins) : le rôle de Juliette semblant viser à la sensibilité, celui de Roger à l’archétype. On peut regretter que le metteur en scène n’ait pas pris le parti de la radicalité en s’extirpant entièrement du champ des effets de genre. Au vu de la qualité du texte d’André Roussin, ce spectacle n’aurait sans doute rien perdu de son efficacité comique. Et aurait gagné en étrangeté, en trouble et en émotion.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Un Amour qui ne finit pas
du jeudi 14 mai 2015 au mardi 14 juillet 2015
Théâtre de l’Oeuvre
55 Rue de Clichy, 75009 Paris, France

Du mardi au vendredi à 21H, le samedi à 18h et 21h, le dimanche à 16h. Spectacle créé le 9 mai 2015 au Théâtre Montansier, à Versailles. Durée de la représentation : 1h40. Tél. : 01 44 53 88 88. www.theatredeloeuvre.fr

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