La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

UBU

UBU - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre des Bouffes du Nord
DR

Théâtre des Bouffes du Nord / conception Olivier Martin-Salvan / création collective / regard extérieur Thomas Blanchard

Publié le 27 mars 2017 - N° 253

Olivier Martin-Salvan et son équipe portent à la scène Ubu sur la Butte (1901) d’Alfred Jarry, et installent l’intrigue dans l’univers de l’aérobic. Un pari difficile.

C’est Ubu sur la Butte, quatrième version d’Ubu Roi, resserrée en deux actes et conçue pour un théâtre de marionnettes, qu’Olivier Martin-Salvan a choisie pour mettre en scène la soif du pouvoir. Ce texte très concis accentue encore la farce hors de toute psychologie, et laisse de la place pour des scènes sans paroles. Dans la scénographie conçue par Clédat & Petitpierre, ces scènes musclées se déploient dans l’univers de la gymnastique aérobique, et le « nulle part » du Royaume de Pologne est transformé en une arène sportive. Tapis de sol bleu roi, modules en mousse divers et variés – devenant à l’occasion des armes aux allures de polochons -, et “athlètes“ en baskets souples et longs justaucorps moulants – des zentaïs comme une seconde peau qui réduit et illustre à la fois leur identité. « Nous nous sommes rendus compte que cette trouvaille générait un vocabulaire et une intensité de jeu qui servaient le côté cruel et cru de la farce, où sourd quelque chose de souterrain et de très violent. »* confiait Olivier Martin-Salvan à l’occasion de la création pour le Festival d’Avignon 2015 de ce spectacle itinérant, alors interprété dans diverses salles polyvalentes.

Le langage des corps pour dire l’ivresse du pouvoir

Les sportifs sont installés juste sous le regard des spectateurs dans un dispositif quadri-frontal. Les corps très visibles font déjà spectacle et, évidemment, la première impression ne peut être que comique. Olivier Martin-Salvan, remarquable comédien amoureux des grands textes qui faillit devenir rugbyman professionnel, occupe l’espace en Ubu massif et bondissant qui laisse éclater toute sa violence. Gilles Ostrowsky, qui a fait notamment ses preuves en empoignant les délires des Atrides (Les Fureurs d’Ostrowsky), subit le mouvement en clown filiforme, rigolard et dégingandé. Thomas Blanchard, Robin Causse et Mathilde Hennegrave font aussi partie de cette équipe de choc. L’enjeu est de pouvoir représenter l’avidité guerrière du pouvoir dans son entêtement, dans cette tension entre grotesque et cruauté, entre farce potache et quête pulsionnelle et tragique. L’univers choisi permet de mettre en scène la méchanceté des jeux d’enfance – et Ubu est à maints égards un grand enfant -, la puissance des pulsions, le goût irrépressible du pouvoir et une forme d’abrutissement radical. Mais une fois passés l’effet de surprise et ses ressorts, ce qui prend le pas sur tout le reste, c’est la gesticulation et sa répétition lassante. La scène finale que l’on n’espère pas prophétique a beau avoir un certain style, l’exercice a ses limites et, au fil du spectacle, la métaphore perd de sa vigueur.

Agnès Santi

A propos de l'événement

UBU
du mercredi 5 avril 2017 au dimanche 23 avril 2017
Théâtre des Bouffes du Nord
37bis Boulevard de la Chapelle, 75010 Paris, France

Du 5 au 23 avril 2017, du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h. Tél : 01 46 07 34 50. Durée : 1h. Spectacle vu lors du Festival d’Avignon 2015.

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