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Théâtre - Entretien

Tribus : comment s’entendre ?

Tribus : comment s’entendre ? - Critique sortie Théâtre Bourges Maison de la Culture de Bourges
Crédit photo : DR

Maison de la Culture de Bourges / de Nina Raine / mes Mélanie Leray

Publié le 21 février 2017 - N° 252

Mélanie Leray met en scène Tribus, de la dramaturge britannique Nina Raine, traduite pour la toute première fois en France par Theo Hakola. Une comédie corrosive et drôle sur les affres de l’entente.

Que raconte la pièce ?

Mélanie Leray : C’est l’histoire d’un couple d’universitaires juifs proches de la retraite, qui vit encore avec ses grands enfants. L’aîné, Daniel, écrit une thèse sur le langage ; Ruth, la fille, est chanteuse d’opéra, et le cadet, Billy, qui est sourd, revient vivre à la maison. Il oralise, n’a jamais appris la langue des signes, mais rencontre Sylvia, une jeune fille au départ entendante, grandie dans une famille sourde,  affectée par une maladie génétique qui la rend progressivement sourde. Sylvia initie Billy à la langue des signes.

La surdité est donc au cœur de la pièce…

ML. : L’essentiel de la pièce tourne autour de cette histoire et la problématique est celle du langage et de la hiérarchie supposée entre les langues. Billy a grandi sans langue maternelle. Faire oraliser les sourds les relie au monde, mais grandir sans langue maternelle est très déstructurant. Il reproche à ses parents de n’avoir jamais fait un pas vers lui, et dans cette famille où l’éducation a été très libérale, où il est permis de tout dire, ses reproches remettent les parents en question. A l’intérieur de la famille, considérée comme l’endroit du réconfort où les inégalités s’effacent, on s’aperçoit que la violence entre tous est inouïe. Il y a une hiérarchie entre les enfants. Il y a celui qu’on préfère, celui qu’on considère comme plus intelligent que les autres… Plus fondamentalement, la pièce pose plusieurs questions : y a-t-il une communauté d’hommes au-dessus des autres, une langue supérieure aux autres ? Peut-on tout dire en langue des signes ? Si on pense avec les mots, comment pensent les sourds ? Cela dit, ces interrogations philosophiques demeurent en filigrane : cette pièce est avant tout une comédie dramatique. Elle offre un extraordinaire terrain de jeu qui démultiplie les rapports au langage : voix, chant, écriture, vidéo. La mise en scène doit alors résoudre le problème suivant : comment redonner sa place à Billy alors qu’il n’a pas les mots ?

Comment l’avez-vous résolu ?

ML. : Luca Gelberg, qui joue Billy, est un acteur sourd. Faire oraliser un sourd n’est pas simple. Les sourds sont souvent mal à l’aise avec leur voix qu’ils n’entendent pas, mais je trouvais intéressant de la donner à entendre. Luca dispose donc d’un micro pour qu’il ne soit pas obligé de porter la voix et je lui redonne la place centrale en le filmant en gros plan, afin de rééquilibrer son rôle par l’image. L’histoire est portée par son personnage ; il fallait donc trouver le moyen de surmonter la difficulté d’exister sans la parole, dans une pièce où tous les personnages parlent beaucoup, sont caustiques et balancent les répliques à l’envi.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Tribus : comment s’entendre ?
du mercredi 1 mars 2017 au vendredi 3 mars 2017
Maison de la Culture de Bourges
Place André Malraux, 18000 Bourges, France

Du 1er au 3 mars 2017 à 20h. Tél. : 02 48 67 74 70.

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