Tigern (La Tigresse) / 20 November (Le 20 Novembre)

« J’ai grandi dans une famille très classique, qui n’avait aucun lien avec le monde de la scène. Malgré cela, j’ai toujours ressenti une grande attirance, un véritable amour pour le théâtre ». Voici ce que répond Sofia Jupither lorsqu’on lui demande comment elle est devenue metteure en scène, avant d’expliquer qu’elle s’est, dans un premier temps, essayée au métier de comédienne. « Mais je me suis très vite aperçue que quelque chose me manquait, confesse-t-elle. Le jeu ne me suffisait pas. J’avais besoin d’une dimension supplémentaire. C’est lorsque j’ai fait mes premiers pas en tant qu’assistante metteur en scène que j’ai su que j’avais trouvé ce que je voulais faire dans la vie. » C’est à l’âge de 21 ans, au Dramaten à Stockholm (le Théâtre dramatique royal, la scène la plus importante de Suède), puis au Stadsteatern (Théâtre de la ville de Stockholm), qu’elle commence donc sa carrière artistique. Alternant projets de théâtre et d’opéra, Sofia Jupither enchaîne les expériences avant de signer sa première mise en scène personnelle. C’était en 2001 : elle crée Visites, du Norvégien Jon Fosse, auteur qu’elle participera à faire connaître en Suède. Puis viendra le tour d’Edward Albee (Qui a peur de Virginia Woolf) et de son compatriote Lars Norén (dont elle a présenté Fragmente, au Théâtre national de l’Odéon, en 2013). Aujourd’hui, quinze ans après ses débuts, la voici invitée à mettre en scène deux spectacles à Avignon.

Dans la pure tradition scandinave

Elle présente ainsi Tigern (La Tigresse), de l’auteure roumaine Gianina Carbunariu, pièce satirique sur la différence et l’étranger qui relate la course initiatique d’une tigresse, échappée d’un zoo, à travers une ville moyenne européenne. Elle crée également 20 November (Le 20 novembre), texte de Lars Norén s’inspirant d’un fait divers ayant eu lieu, en Allemagne, le 20 novembre 2006. Ce jour-là, un adolescent fait irruption dans son lycée avec une arme et blesse plusieurs élèves et professeurs. Tous deux joués au Théâtre Benoît-XII, ces spectacles partagent le même décor. « Tigern et 20 November tentent de décrypter quels mécanismes humains peuvent être à l’origine des grands événements médiatiques, déclare Sofia Jupither. J’en ai assez de tous ces flashs d’information à propos de fusillades dans des écoles, d’assauts, d’attaques terroristes, de meurtres… Je voudrais qu’on puisse, aujourd’hui, commencer à se demander comment tout cela est possible, comment on a pu en arriver là… Gianina Carbunariu et Lars Norén sont tous les deux profondément intéressés par le comportement humain. C’est l’une des choses qu’ils cherchent à explorer dans leur théâtre. L’un et l’autre appartiennent à des courants et des traditions d’écriture très différents, mais leurs façons d’envisager les personnages sont finalement assez proches. » Passionnée par l’intériorité humaine, par l’analyse de tout ce qui nous amène à interagir les uns avec les autres, la metteure en scène a voulu élaborer des spectacles qui creusent profondément dans nos comportements. Cela dans la pure tradition scandinave d’un réalisme psychologique s’appuyant sur la puissance de l’acteur.        

Manuel Piolat Soleymat