La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Swamp Club

Swamp Club - Critique sortie Théâtre Gennevilliers Théâtre de Gennevilliers
Les résidents du Swamp Club à la sortie du sauna. Crédit photo : Martin Argyroglo

Théâtre de Gennevilliers /
Conception et mise en scène Philippe Quesne

Publié le 28 septembre 2013 - N° 213

Philippe Quesne et ses compères du Vivarium Studio filent doux une métaphore drolatique sur les artistes et la culture aujourd’hui.

Philippe Quesne et ses compères du Vivarium Studio filent doux une métaphore drolatique sur les artistes et la culture aujourd’hui.

 

Un soupir de fumée blanche s’épanche vaguement et glisse au travers des plantes exotiques perdues dans le brouillard d’un marécage. Des lueurs informatiques, bientôt quelques mesures de Schubert, s’échappent d’un studio de verre monté sur pilotis, surplombant ces eaux troubles. Des gens vaquent tranquillement à leurs occupations, achèvent les derniers préparatifs… L’un finalise l’annonce du programme des activités sur une banderole numérique, un autre bricole des arcs en bois et des paquets de bienvenue, tandis que le sauna s’échauffe. Ils attendent les « résidents » du « Swamp Club », qui décidément tardent : des artistes du monde entier cherchent refuge ici pour requinquer leur inspiration. Dans ce drôle de centre d’art paumé au milieu des marais, on trouve un cinéma, une vidéothèque, une bibliothèque, un studio de danse, une salle de répétition, une grotte ouverte à flan de colline et des hérons à foison… Bref, un peu de bien-être, de la musique, de la poésie, un peu d’aventure écolo : rien de tel pour stimuler la créativité… Dégagé de la frénésie ambiante, ce microcosme de cultureux déconnectés vivote ainsi gentiment et peut rêvasser en liberté. Mais voilà que soudain pointe la menace d’un projet urbain, plus rentable, qui risque de détruire cette réserve protégée de doux utopistes…

Acte de résistance

Issu des Arts déco, d’abord scénographe, aujourd’hui auteur et metteur en scène, Philippe Quesne observe le monde de biais pour en révéler le risible tragique. Œuvrant depuis dix ans dans son Vivarium Studio avec quelques fidèles comparses, il fouille dans le fatras du quotidien, en étudie les menus rites et la banalité dérisoire. Entre ludisme désenchanté et mélancolie pince-sans rire, il met en scène des héros ordinaires qui bricolent du merveilleux avec presque rien. Son théâtre taille le réel à la pointe d’une douce ironie pour en révéler les paradigmes sous-jacents et prend le temps de vivre. Contre l’idéologie vibrionnante qui impose de bombarder la rétine d’événements pour capturer l’attention et terrasser l’ennui à tout prix, Philippe Quesne et ses acolytes revendiquent une temporalité libérée de la surenchère spectaculaire comme de l’aliénation à l’accélération. Au contraire, ils offrent une zone de « ralentissement nécessaire », comme dirait le philosophe Peter Sloterdijk : un espace libre pour que la pensée et le rêve puissent d’épanouir. Avec dérision et gravité, Swamp Club esquisse par métaphores une réflexion critique sur le métier d’artiste, ses conditions d’exercice, autant que sur l’art dans la société actuelle. Et le sauvetage final face à la menace, qui voit embarquer plantes vertes en plastique et animaux empaillés dans la cage de verre comme dans une arche muséale ne manque pas d’inquiéter…

Gwénola David

A propos de l'événement

Swamp Club
du jeudi 7 novembre 2013 au dimanche 17 novembre 2013
Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers

Du 7 au 17 novembre 2013, à 20h30, sauf mardi et jeudi à 19h30, dimanche à 15h, relâche lundi. Tél. : 01 41 32 26 26. Puis les 21 et 22 novembre 2013, au Forum culturel du Blanc-Mesnil. Tél : 01 48 14 22 00. Durée : 1h35. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2013. Dans le cadre du Festival d’automne.
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