Stones

D’une étonnante force visuelle, profondément original et poétique dans sa façon de restituer le réel et l’histoire, ce spectacle de mime reste longtemps en mémoire. Il avive nos émotions avec pudeur, humour et délicatesse, mais aussi avec une implacable lisibilité. Il se fonde sur une sculpture de bronze de Nathan Rapoport (1911-1987), intitulée L’insurrection du ghetto de Varsovie – et une voix off nous explique que la pierre devait servir à ériger un monument à la gloire du troisième Reich. Six personnages plus un bébé figés dans le bronze, qui ont subi la barbarie nazie, et symbolisent une volonté de résistance. Six personnages de bronze plus un bébé qui s’animent sur la scène, traversent l’histoire jusqu’à notre époque, en une succession de tableaux saisissants et concis, au remarquable pouvoir d’évocation. Le spectacle se situe à cet endroit : il montre la nuit et l’enfer de l’époque nazie, la folie toute-puissante et minutieusement organisée du régime, la peur, la souffrance et la mort, mais malgré l’indicible tourmente, il célèbre aussi tendrement et passionnément la vie. Les barbelés peuvent tuer ou se muer en douce harpe…

Des gestes pour célébrer la vie

Cet hommage aux six millions de victimes juives, aux frêles guerriers de Varsovie, s’inscrit dans un désir de vie puissant, qui regarde le passé avec lucidité. La bande sonore et ses chansons que l’on connaît bien (du thème final de La Liste de Schindler à I feel love, en passant par We will rock you ou Beautiful that way…) s’intègrent parfaitement à la dramaturgie. L’accession au pouvoir d’Hitler est ici disséquée avec férocité lors d’une scène où la marionnette du dictateur, grotesque et simple, s’active pour anesthésier le cerveau du peuple. La naissance de l’Etat d’Israël se découvre à travers plusieurs étapes, dont celle évoquant des juifs rescapés sur un bateau errant, au son d’Exodus de Bob Marley… C’est une vision universelle et fraternelle de notre humanité qui s’affirme ici, grâce à la poésie de l’art. Une scène critique avec une virulence percutante le pouvoir omniprésent des écrans dans nos sociétés modernes, transformant le temps de réfléchir en celui de consommer. Un spectacle d’une rare créativité, à cocher dans vos agendas !
Agnès Santi