La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Gros Plan

Sens interdits

Sens interdits - Critique sortie Théâtre
© Everest Canto de Montserrat Légende photo : L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge d’Hélène Cixous, mis en scène par Georges Bigot et Delphine Cottu, avec les artistes de l’Ecole des Arts Phare Ponleu Selpak.

Publié le 10 octobre 2011 - N° 191

Après le succès de la première édition en 2009, le Théâtre des Célestins à Lyon propose à nouveau aux spectateurs de découvrir un théâtre international de liberté et d’urgence, axé sur des problématiques de mémoires, d’identités et de résistances.

Au-delà des thèmes évoqués, c’est bien la qualité artistique qui est au rendez-vous, par des troupes cambodgienne, tunisienne, afghane, russe, chilienne, polonaise, franco-tchèque et malienne. Une dizaine de lieux partenaires permet à un public large de découvrir des œuvres profondément politiques, pour la plupart encore inconnues en France, des oeuvres qui interrogent l’avenir et mesurent aussi de façon singulière et marquante à quel point notre monde se transforme sans cesse. Le festival bouscule les habitudes et suscite également de fructueux débats sur les valeurs de la démocratie, tout en favorisant le dialogue interculturel. Quant aux artistes, ils trouvent ainsi un accès facilité aux réseaux de formation, création et diffusion. En spectacle d’ouverture, une pièce déjà reconnue et saluée comme une pièce à la fois visionnaire et frappante, combinant « audace politique et puissance esthétique », créée par des artistes farouchement opposés au pouvoir mais échappant (pas toujours) à la censure grâce à leur renommée. Yahia Yaïch Amnesia de Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi, explorant à travers la descente aux enfers d’un dirigeant les mécanismes du pouvoir dictatorial, annonçait ainsi à sa création en 2010 le vent de liberté de la révolution tunisienne. A découvrir ensuite aussi des compagnies pour la plupart encore inconnues en France. Vérité de soldat de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, pièce malienne mise en scène par Patrick Le Mauff, confronte avec intensité et acuité les paroles et les vies d’une victime et d’un bourreau. Première en France, Chœur de femmes, pièce polonaise de Marta Gornicka rassemble vingt-six femmes de tous âges et de tous milieux en un choeur critique de voix qui crient, chuchotent ou chantent des slogans, des textes de Simone de Beauvoir, des citations du quotidien, etc.

Culture orale

Christian Plana présente avec sobriété et exigence Comida Alemana d’après Dramuscules de Thomas Bernhard, et transpose la pièce au Chili dans l’enclave allemande de la sinistre colonie Dignidad, où sévissait en toute impunité un ancien nazi, notamment contre des enfants. Autre pièce chilienne, Ni Pi Tremen de Paula Gonzalez Seguel met en scène cinq générations de femmes issues de la communauté indienne Mapuche, minorité indienne au Chili, afin de faire connaître la culture orale de ce peuple. Tatiana Frolova porte à la scène de façon intime et sobre le récit d’Arkadi Babtchenko sur la guerre, – il fut lui-même un tout jeune soldat en Tchétchénie. Le courageux théâtre Aftaab d’Afghanistan, formé et soutenu par le Théâtre du Soleil depuis plusieurs années, propose sa première création, Ce jour-là, succès de l’édition 2009. Ilay den Boer, metteur en scène néerlando-israélien, présente Ceci est mon père, confrontation père/fils sur la définition de l’identité juive et l’intolérance. A voir aussi le travail des Tchèques Michal Laznovsky et Frederika Smetana, avec deux pièces, l’une créée à partir de témoignages d’anciens enfants de la Maison d’Izieu, et l’autre née de l’œuvre et de la vie de l’écrivain et peintre polonais Oser Warszawski (1898-1944). Sans oublier la re-création en khmer de L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge d’Hélène Cixous, mise en scène par Georges Bigot et Delphine Cottu, d’après la mise en scène d’Ariane Mnouchkine (1985), avec 25 acteurs et musiciens d’une jeune troupe cambodgienne portant une terrible mémoire de souffrance, et bien décidée à montrer toute l’étendue de son énergie sur scène. 
Agnès Santi


Festival Sens Interdits, du 21 octobre au 9 novembre à Lyon. Tél : 04 72 77 40 00.

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