La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Qu’est-ce qu’on nous fait avaler ?

Qu’est-ce qu’on nous fait avaler ? - Critique sortie Théâtre Ivry-sur-Seine Ivry-sur-Seine
Victor Gauthier-Martin © Sylvain Duffard

Entretien Victor Gauthier-Martin
Round up / Théâtre des Quartiers d’Ivry

Publié le 23 novembre 2013 - N° 215

Bovins truffés de prions, poulets à la dioxine, poissons gavés de farines animales, saumons aux antibiotiques, pastèques explosives, OGM… Les scandales se succèdent et nourrissent la chronique d’un monde frelaté par la quête effrénée de profits. Partisan d’un théâtre qui résonne avec la société, le metteur en scène Victor Gauthier-Martin a mitonné avec sa troupe une pièce cinglante sur ce qu’on nous fait avaler, dans tous les sens du terme.

Qu’est-ce qui vous a poussé à traiter des dérives de l’agroalimentaire ?

Victor Gauthier-Martin : Je crois que le théâtre est un lieu d’échanges et de prise de conscience citoyenne. Nous l’avions déjà éprouvé avec Gênes 01 de Fausto Paravidino, qui mène une réflexion sur notre modèle de société confronté aux propositions altermondialistes, puis avec 109, création sur la fascination pour la science, les fantasmes et les dérives qu’elle suscite, depuis la chirurgie esthétique jusqu’au trafic d’organes. Au sujet de l’agroalimentaire, j’ai été frappé par les discours, plus exactement par la façon dont ils sont produits et formatés selon les intérêts et les points de vue. Ils tournent souvent à la propagande et à la polémique. Le débat est complètement pollué par la communication. Nous sommes abreuvés d’informations contradictoires sur la dangerosité de ce que nous mangeons, avec, d’un côté, les industriels qui disent vouloir produire mieux et plus pour lutter contre la faim, de l’autre, les opposants d’une agriculture intensive qui détruit l’écosystème et nuit à la santé, ou encore les défenseurs de la production Bio, qui reste très onéreuse. L’intimité que nous entretenons avec la nourriture m’intéressait aussi. Se nourrir est un geste quotidien, depuis le premier instant de vie, lié au milieu et au plaisir. Il devient de plus en plus difficile pour le citoyen d’accorder ses opinions et ses actes.

Vous proposez une « émission théâtrale » qui emprunte aux formats et procédés télévisuels. C’est-à-dire ?

V. G.-M. : Je voulais un spectacle éclectique, qui mette aussi en abyme la mise en scène de l’information. On passe ainsi d’un sujet à l’autre, d’un point de vue à l’autre, suivant une ligne dramaturgique temporelle, qui débute au lendemain de la seconde guerre mondiale et nous mène jusqu’à nos jours. Nous croisons les propos des multiples acteurs de l’agroalimentaire, experts, responsables politiques, chefs d’entreprise, industriels, agriculteurs, éleveurs et consommateurs. Nous zappons comme si l’on suivait en simultané différentes émissions.

A partir de quels matériaux avez-vous travaillé ?

V. G.-M. : J’ai bien sûr puisé dans les livres, enquêtes, documentaires qui abondent sur le sujet, tout en y glissant quelques pages du Ventre de Paris de Zola. J’ai sélectionné des passages dont se sont emparés les comédiens. Nous avons travaillé différentes séquences par allers-retours entre improvisation et écriture, puis nous les avons articulées entre elles. Nous avons également décrit notre situation de consommateurs pris dans nos contradictions. Une façon de rire de notre petitesse malgré notre volonté de changer le monde…

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Round up
du lundi 9 décembre 2013 au vendredi 20 décembre 2013
Ivry-sur-Seine
69 avenue Danielle Casanova, 94200 Ivry-sur-Seine

A  20h sauf jeudi à 19h, dimanche à 16h, relâche mercredi 11 et lundi 16 décembre. Tél. : 01 43 90 11 11.
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