La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Romeo et Juliette

Romeo et Juliette - Critique sortie Théâtre Paris _THEATRE DE CHAILLOT
Légende : Un Romeo et Juliette cosmopolite CR : Christian Ganet

Publié le 29 octobre 2012 - N° 203

Qui trop embrasse mal étreint. A force de  vouloir mélanger les genres et les époques, les registres et les couleurs, David Bobee se perd un peu dans un Romeo et Juliette au texte vigoureux.

David Bobee a toujours ouvert des voies au théâtre. Par le mélange des genres notamment – théâtre, danse et cirque – mais aussi, via l’audace des textes du complice de ses débuts, Ronan Cheneau. En mettant en scène Hamlet, l’année dernière, il accomplissait une sorte de rituel initiatique classique, qu’il réussit avec mention très bien si l’on en croit les retours de la critique. Rebelote cette année avec la mise en scène d’un Romeo et Juliette s’appuyant sur une nouvelle traduction, écrite tout exprès pour le spectacle par Antoine et Pascal Collin. Réalisée en partie au plateau, cette traduction fait alterner le célèbre lyrisme shakespearien avec une crudité poétique et drôle, inventive, mêlant au registre  vulgaire, qui n’effrayait pas le baroque élisabéthain, toute la créativité contemporaine du langage des rues. « C’est une Capulet, je prends cher ! » s’exclame ainsi Roméo en découvrant l’identité de Juliette. Ou encore, dans une subtile et parodique fusion des registres : « Je te prie de ne pas m’engueuler ». Humour, ruptures de ton et variations rhétoriques rythment donc agréablement une pièce qui, par ses choix de mise en scène, se concentre sur les passages essentiels de la célèbre histoire, même si elle se déploie sur environ deux heures trente.

Du pompeux politique à la joute oratoire type slam

Cette version de Roméo et Juliette  est donc respectueuse des aînés sans verser dans le déférent, et permet à David Bobee de perpétuer ce qui commence à faire sa signature. Par exemple, réunir sur scène des artistes d’horizons différents – comédiens, chanteurs, acrobates et danseurs – et, par la grâce d’une distribution mélangeant les origines et les accents, faire de la Vérone des Capulet et Montaigu une ville-monde au peuple cosmopolite, qui évoque, comme le souhaite Bobee, la mixité de la société contemporaine. Problème : de par leur formation, certains des comédiens ne sont pas rompus au jeu, et en cette soirée de première à la Biennale de la Danse, on leur pardonnera une certaine fragilité. Car au-delà de l’interprétation parfois mal assurée, il semblait surtout, ce soir-là, que Bobee avait affadi son art de touche-à-tout, qu’il s’était un peu perdu dans sa potion personnelle. Le décor cuivré grandiose, à la limite du kitsch disco figurant tout aussi bien rues et églises qu’intérieurs de maisons n’y est peut-être pas pour rien, tout comme une surabondance de musiques relevant plus de la soupe world que de véritables témoignages de créativité musicale. Dans un faux rythme, les comédiens déployant des registres de jeu multiples, du pompeux politique à la joute oratoire type slam en passant par une veine presque boulevard ont toutefois fait vivre une société composite originale, traversée  encore et toujours de rivalités fratricides,  où l’amour meurt sous les coups de la haine et de la Fortune.

Eric Demey

A propos de l'événement

ROMEO ET JULIETTE
du jeudi 15 novembre 2012 au vendredi 23 novembre 2012
_THEATRE DE CHAILLOT
1 Place du Trocadéro 75016 Paris.

Du 15 au 23 novembre à 20h30, relâche les 18 et 19. Tél : 01 53 65 30 00.
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