La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2015 - Entretien Thomas Ostermeier

Richard III

Richard III - Critique sortie Avignon / 2015 Avignon Opéra Grand Avignon
Crédit photo : Paolo Pellegrin

Opéra Grand Avignon / De Shakespeare / mes Thomas Ostermeier

Publié le 26 juin 2015 - N° 234

Thomas Ostermeier met en scène l’ascension et la chute du fléau de l’Angleterre, transformant le monstre en rhéteur implacable : l’assassin et la honte de sa caste est surtout le révélateur de ses turpitudes.

« C’est une pièce sur la manipulation et le pouvoir du langage. »

Votre Richard est-il un monstre ?

Thomas Ostermeier : Pas du tout. Il vit dans une époque où tout le monde est devenu roi avec violence, il vient en un temps qui conclut cent ans de guerre des Deux-Roses : il est seulement le reflet de sa société. Dans la pièce, d’ailleurs, il n’assassine personne directement et ne tue pas personnellement. A la fin de la pièce, sur le champ de bataille, il a du sang sur les mains, mais ses propres mains sont restées propres jusqu’à la dernière bataille : ce sont les autres qui sont des assassins. S’il est un monstre, c’est par son art consommé de la stratégie et de la tactique, par son intelligence rhétorique et sa maîtrise du langage.

Vous le détachez donc de la figure habituelle du tyran.

T. O. : A mon avis la pièce n’a rien à voir avec le fascisme : Richard n’est pas un tyran ou un dictateur. La pièce interroge plutôt la capacité rhétorique qui permet de convaincre les autres de faire le pire. C’est quelque chose qui peut s’incarner dans la vie politique, mais aussi dans vie personnelle ou émotionnelle : c’est vraiment une pièce sur la manipulation et le pouvoir du langage.

Comment traitez-vous la disgrâce physique et le manque d’amour qui accablent Richard ?

T. O. : Certains metteurs en scène ont décidé de ne pas faire de lui un handicapé. Pour nous, cela joue un rôle important. Il est handicapé, laid et n’est pas aimé des autres : c’est une partie importante de sa biographie. En cela, il est aussi un paria de la société, et les critiques qui ont déjà vu la pièce considèrent que nous en avons fait un naïf presque vierge. Tout le monde manque de quelque chose. Manquent le bonheur, le succès, l’amour : aucun être humain n’est complet, le seul fait d’être humain, c’est-à-dire mortel, nous fait manquants : il n’y a rien d’extraordinaire au fait qu’existe cette part manquante chez Richard. Mais il y a chez lui une humiliation fondamentale : avant que la pièce ne commence, il a été le plus grand guerrier de toutes les batailles menées pour son clan et on n’a pas reconnu ses mérites : il veut le pouvoir pour ne plus avoir à subir cette humiliation. Le roi est faible et malade, des nouveaux riches gravitent autour de lui : Richard parvient à transformer en revendication le ressentiment des autres et l’utilise pour accéder au pouvoir.

Comment investissez-vous l’espace où vous jouez à Avignon ?

T. O. : Exactement comme à la Schaubühne, où la pièce a été créée, en reconstruisant une espèce de Globe dans le théâtre municipal, pour y recréer le rapport originel entre la scène et la salle.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Richard III
du lundi 6 juillet 2015 au samedi 18 juillet 2015
Opéra Grand Avignon
1 Rue Racine, 84000 Avignon, France

A 18h, relâche les 10 et 15. Festival d’Avignon. 

Tél. : 04 90 14 14 14.

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