La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2015 - Entretien Bouziane Bouteldja

Réversible

Réversible - Critique sortie Avignon / 2015 Avignon Théâtre des Hivernales
Crédit : Gilles Rondot

Théâtre des Hivernales / Chorégraphie et interprétation Bouziane Bouteldja

Publié le 26 juin 2015 - N° 234

C’est à partir de terribles épreuves personnelles que le danseur et chorégraphe Bouziane Bouteldja a construit ce solo cathartique, et c’est à partir de la danse qu’il a construit sa liberté d’être et de créer. Après Altérité, accueilli en 2013,  un solo à découvrir !

N’est-ce pas une prise de risque d’avoir choisi la forme du solo pour aborder les thèmes qui soudent votre démarche ?

Bouziane Bouteldja : Oui, mais je suis vraiment parti de mon expérience en essayant d’analyser et de comprendre la société dans laquelle j’ai pu évoluer. C’est mon point de vue, mais j’ai aussi beaucoup lu, rencontré de nombreuses personnes, et c’est ce qui me paraissait juste. C’est une sorte d’autobiographie correspondant à un certain endroit de ma vie, et à certains passages de ma vie.

Quels sont-ils ?

B. B. : Deux passages sont très importants – trois si on compte la danse, qui a été là pour soutenir ou même initier des choix. Dans un premier temps, en Algérie, j’ai subi des agressions sexuelles par un voisin quand j’avais quatre ans, ensuite à dix ans par un cousin de vingt ans. Cette seconde agression est reliée à l’impossibilité pour les jeunes d’avoir des relations ou même d’évoquer ce sujet avec des filles. Les questions de la bisexualité, des tabous, de ce que l’on peut dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire, sont liées à la religion et aux traditions arabo-musulmanes. Dans un deuxième temps, il y a eu la violence du silence. Ma mère, mes frères et mes sœurs l’ont su, mais on n’en a jamais parlé.

Vous commencez le spectacle par un dialogue avec votre maman…

B. B. : Oui, il y a ce poids de la mère qui est présente. Je montre tout un discours que la mère peut porter. Son bonheur à elle passe par le fait que je sois heureux et elle pense que je peux l’être à travers la religion. Malgré tout, si je peux dire les choses aujourd’hui et si j’ai eu une enfance à peu près normale, c’est parce que j’ai reçu beaucoup d’amour. C’est ce qui m’a permis de passer outre.

« La réversibilité, c’est la libération de l’esprit par le corps, par la danse. »

Pourquoi ce titre Réversible ?

B. B. : C’est une référence au film Irréversible de Gaspard Noé avec Monica Bellucci. J’ai voulu dire à l’inverse du film que malgré les violences, malgré certaines opinions, on pouvait passer de l’autre côté. Rien n’est figé, tout est malléable. Pour moi, la réversibilité, c’est la libération de l’esprit par le corps, par la danse.

Le spectacle se termine par une image où vous êtes immergé, et on ne sait pas vraiment si vous allez remonter. Qu’est-ce que cela veut dire ?

B. B. : L’eau est un peu la conclusion qui dit que pour en arriver là, il faut se laisser tomber. Oser avoir peur du vide. Le corps est très libre dans l’eau, il peut se laisser aller. Dans mon parcours cela représente par exemple le choix d’avoir quitté la religion. Pour quitter une religion dans laquelle on a grandi en ayant toujours considéré que c’était l’unique chemin vers soi-même, j’ai dû passer par des étapes de fragilité psychologique, des étapes de remise en question. En me demandant : est-ce que j’ose y aller, est-ce que je me jette à l’eau ?

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Réversible
du vendredi 10 juillet 2015 au lundi 20 juillet 2015
Théâtre des Hivernales
18 Rue Guillaume Puy, 84000 Avignon, France

Avignon Off. 

à 17h30, relâche le 15. Tél. : 04 90 82 33 12.

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