La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Répétition

Répétition - Critique sortie Théâtre Gennevilliers Théâtre de Gennevilliers
Un regard ouvre des abymes…© Marc Domage

Théâtre de Gennevilliers / texte et mise en scène Pascal Rambert

Publié le 17 décembre 2014 - N° 228

Moins percutant que Clôture de l’amour, Répétition met en scène un quatuor d’acteurs en crise, interprétés par d’éblouissants comédiens. Une partition véhémente et parfois verbeuse, et une fiction qui puise ardemment aux sources du réel.  

 

Avec Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, Clôture de l’amour mettait en scène une sidérante et bouleversante rupture, rupture où les mots surgissent avec une force rare et où les corps accusent le choc. Pascal Rambert passe du duo au quatuor avec Répétition, qui démultiplie les conflits et, à nouveau, se fonde sur les corps et les voix des acteurs. Denis Podalydès et Emmanuelle Béart, vraiment excellents tous deux, rejoignent le duo initial, excellent aussi (avec Audrey Bonnet en force dans sa colère). Denis est auteur, Stan est metteur en scène, Audrey et Emmanuelle sont actrices. Ils travaillent ensemble depuis vingt ans et forment deux couples – Denis et Audrey, Stan et Emmanuelle. Les couples autant que les normes de la « structure » où ils vivent et travaillent implosent à cause d’un regard entre Denis et Emmanuelle, un acte qui ouvre les vannes du flux des mots, implacable, déversant sans retenue toutes les vérités. Quatre monologues se succèdent : Audrey, Emmanuelle, Denis et puis Stan. Si Clôture de l’amour se concentrait sur le couple et l’amour, de façon radicale et marquante, si les paroles étaient alors directement adressées à l’autre, Répétition voit plus large, et sans doute trop large, comme si Pascal Rambert ne voulait renoncer à rien de ce qu’il a envie de dire, haut et fort. Ce n’est ici pas seulement l’amour qui est en jeu, la pièce vise à interroger le tissu complexe des relations humaines, la vision d’un monde finissant, la fin des idéologies, le rapport entre le langage et le réel, le lien entre la vie et l’art, le jaillissement même de l’art et du désir…

Les limites du langage

Des motifs anciens et éternels dans une forme contemporaine, un espace de répétition comme un terrain de basket dans un gymnase. La vie et le théâtre forcément s’imbriquent, non sans quelques pointes d’ironie. Les monologues s’apparentent ici à une tribune à l’adresse plus ou moins nette, et, comme chacun porte une vision de soi et de son rapport aux autres singulière et clairement délimitée, la confrontation pleinement inscrite dans l’artifice du langage devient comme théorisée ; le texte d’ailleurs questionne les limites du langage et fait théâtre de ce questionnement. Profondément engagée voire véhémente, notamment lors des adresses au public, souvent bavarde et verbeuse ou parfois fulgurante et touchante, la partition démonstrative atteint chacun selon ses obsessions et sa sensibilité… En mettant à jour la dislocation et le renoncement à l’échelle individuelle ou sociale, elle est un appel à la révolte contre ce qui diminue et emprisonne l’homme. Théâtre et littérature participent depuis toujours à ce débat. « L’espèce humaine a ceci de beau qu’elle croit à tout : à l’amour, aux mots, aux chefs ». Et à l’amour et aux mots (ceux des poètes !), c’est quand même mieux qu’aux chefs !

Agnès Santi

A propos de l'événement

Répétition
du mardi 6 janvier 2015 au samedi 17 janvier 2015
Théâtre de Gennevilliers
41 Avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers, France

Du 6 au 17 janvier à 19h30 ou 20h30, le 11 à 15h, relâche le 12. Tél : 01 41 32 26 10. Durée : 2h20. Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.

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