La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Puzzle

Puzzle - Critique sortie Théâtre Paris La Reine Blanche
Elisabeth Bouchaud et Jean-Benoît Terral dans Puzzle. Crédit photo : Pascal Gély

La Reine Blanche / d’après le film Portrait d’une enfant déchue, de Jerry Schatzberg / adaptation d’Elisabeth Bouchaud / mes Serge Dangleterre

Publié le 30 avril 2017 - N° 254

Elisabeth Bouchaud adapte le film de Jerry Schatzberg, Portrait d’une enfant déchue, et interprète, avec Jean-Benoît Terral, la rencontre entre un ancien mannequin et un photographe venu la visiter dans sa retraite.

Puzzle of a Downfall Child : tel est le titre original du film de Jerry Schatzberg, qui inspire celui de la pièce adaptée par Elisabeth Bouchaud. Lou Andreas Sand, interprétée à l’écran par Faye Dunaway, a été un célèbre mannequin, mais sa vie d’illusions et de mensonges l’a conduite dans la spirale infernale de la dépression nerveuse, jusqu’à une tentative de suicide. Réfugiée dans une île du New Jersey, elle vit, depuis, complètement isolée du monde, jusqu’à la venue d’Aaron Reinhardt, un photographe de mode qui la sollicite pour tourner un film sur sa vie. L’héroïne a emprunté son pseudonyme à Lou Andreas Salomé, qu’elle admire pour sa capacité à se faire aimer de tous les hommes : on comprend assez vite qu’elle en partage aussi la complexion psychologique, hystérique et frigide. Elisabeth Bouchaud l’incarne en privilégiant l’identification à la distanciation, dans une mise en scène très réaliste, où sont reproduits les moindres gestes d’une conversation en forme d’aveu réciproque. Car Lou aimait Aaron et Aaron aimait Lou, mais l’amant éconduit par la matrice rétive a choisi, depuis, le rôle de meilleur ami à l’oreille attentive.

Une vie éclatante et éclatée

Elisabeth Bouchaud a adapté ce huis clos émaillé de flash-back filmés, où l’on retrouve Lou et Aaron, dans les trois étapes décisives de leurs amours ratées. Les projections, ainsi que les intermèdes musicaux, constituent des pauses plaisantes dans la longue logorrhée narcissique de Lou, qui cherche en vain qui elle est, en se plongeant dans les souvenirs de sa vie sur papier glacé. L’histoire de Lou se recompose progressivement, à mesure que s’agencent les pièces du puzzle de cette existence émiettée. « Au moment du mariage, on doit se poser cette question : Crois-tu bien pouvoir t’entretenir avec cette femme jusqu’à la vieillesse ? Tout le reste du mariage est transitoire, mais la plus grande partie de la vie commune est donnée à la conversation. », disait Nietzsche, amoureux malheureux de la sublime Lou Andreas, et dont le Zarathoustra rappelle avec sagacité qu’il ne faut pas oublier le fouet quand on va chez les femmes. Aaron, lui, a choisi le magnétophone et la bienveillance, et campe une sorte de psychanalyste amical, sans doute moins efficace que ne le fut Freud pour Lou Salomé, mais à coup sûr moins dangereux que les pervers sur laquelle son amie hystérique ne parvint jamais à régner. Avec une évidente empathie pour les deux victimes qu’ils incarnent, Elisabeth Bouchaud et Jean-Benoît Terral interprètent leurs rôles avec conviction.

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

Puzzle
du mardi 18 avril 2017 au samedi 10 juin 2017
La Reine Blanche
2bis Passage Ruelle, 75018 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h45, sauf le 27 avril à 16h. Représentation exceptionnelle le 30 avril à 16h. Tél. : 01 40 05 06 96. Durée : 1h15.

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