La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Point d’interrogation / Lapin blanc, lapin rouge

Point d’interrogation / Lapin blanc, lapin rouge - Critique sortie Théâtre Nice Théâtre National de Nice
Point d’interrogation, de Stefano Massini, dans sa version pour quatre comédiens. Crédit : Gaëlle Simon

Point d’interrogation / de Stefano Massini / mes Irina Brook / Lapin blanc, lapin rouge / de Nassim Soleimanpour

Publié le 28 décembre 2016 - N° 250

Irina Brook brandit le théâtre comme un antidote aux maux de notre époque. Comme une expérience vivante, ouverte à des spectateur-rice-s de tous âges et de tous horizons. Récemment présentés au Théâtre national de Nice (que la metteure en scène dirige depuis 2014), Point d’interrogation de Stefano Massini et Lapin blanc, lapin rouge de Nassim Soleimanpour s’inscrivent dans cette vision en mettant respectivement en jeu les incertitudes du futur et les codes de la représentation. Deux belles réussites.

« Nous avons une chance incroyable !, s’exclame Irina Brook en exergue de l’édito présentant la saison 2016/2017 du Théâtre national de Nice. Malgré la crise mondiale que nous traversons, il existe encore quelque chose d’unique, au pouvoir guérisseur miraculeux, un baume pour les plaies, une inspiration pour les cœurs, un éveilleur de consciences, qui nous ramène à notre essence, à nos valeurs d’être humain et qui nous a été transmis de siècle en siècle : le Théâtre. » Véritable profession de foi, cette déclaration n’est pourtant pas le signe d’une confiance béate qui conduirait à l’immobilisme ou au ronronnement. Citoyenne et artiste engagée, directrice de théâtre consciente des responsabilités qui incombe à sa fonction, Irina Brook travaille à élargir et vivifier les espaces du théâtre en multipliant les initiatives susceptibles de réinventer ses liens avec la société. Commande passée par la metteure en scène à l’auteur italien Stefano Massini, Point d’interrogation illustre cette volonté d’ouverture et d’enjambement des frontières. Initialement conçu comme un outil d’action culturelle destiné aux enfants et aux adolescents, le spectacle mis en espace puis en scène, à partir de ce texte, a connu diverses formes. Des formes pour deux, quatre ou dix apprentis-comédiens – jeunes interprètes issus d’une troupe constituée lors d’un stage animé par Irina Brook, en 2015, et baptisé Les Eclaireurs. Avant de revenir au Théâtre national de Nice, en novembre dernier, dans sa version quatuor, cette mise en perspective du futur mêlant dérision, rêveries et questionnements sociétaux a été présentée dans divers établissements scolaires et locaux d’associations des Alpes-Maritimes.

De l’accumulation au plateau nu

A quoi ressemblera le monde de demain ? Nous alimenterons-nous avec des pilules ? Le malheur existera-t-il toujours ? Comment sera l’école ? Emporté par l’enthousiasme de Kevin Ferdjani, Marjory Gesbert, Issam Kadichi et Irène Reva, Point d’interrogation nous projette dans un monde qui, au-delà de ses airs de cartoon, n’est pas loin du cauchemar. De cauchemar, il est aussi question dans Lapin blanc, lapin rouge, une proposition performative de l’écrivain iranien Nassim Soleimanpour. Cette fois-ci, c’est le cauchemar de tout acteur auquel on assiste : s’avancer seul sur scène, décacheter une enveloppe et découvrir, sans aucune forme de préparation, le texte que l’on doit incarner face au public. Le 26 novembre dernier, c’est Charles Berling qui s’est prêté à ce saut dans le vide. Contrairement à la scénographie de Point d’interrogation, qui sature l’espace scénique d’objets quotidiens, la représentation, ici, s’invente sur un plateau nu. Pas de décors, pas de mise en scène, simplement la parole d’un auteur qui, privé de passeport pour avoir refuser d’accomplir son service militaire, se voit coupé du monde. En 2010, à l’âge de 29 ans, il écrit Lapin blanc, lapin rouge comme on jetterait une bouteille à la mer. Puisqu’il ne peut quitter l’Iran, c’est son texte qui voyagera à sa place. Par-delà les années, Nassim Soleimanpour nous apostrophe tout en s’adressant à son propre futur. Il nous égaie et nous touche, parle de liberté, de son existence, du théâtre, de la mort, imagine des histoires surréalistes auxquelles participeront certains spectateurs. Mettant à profit son esprit d’à-propos et son autodérision, Charles Berling a brillamment passé l’épreuve du feu. Les 11 février et 14 mars prochain, ce sont Jacques Weber et Lambert Wilson qui, à leur tour, tenteront de faire de cette expérience unique un moment de partage avec le public. Un moment d’invention, de complicité, qui interroge de manière troublante le poids et la portée de la parole théâtrale.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Point d’interrogation / Lapin blanc, lapin rouge
du samedi 11 février 2017 au samedi 8 avril 2017
Théâtre National de Nice
Promenade des Arts, 06300 Nice, France

Point d’interrogation (1h) : tournée prévue pour la saison 2017/2018. Lapin blanc, lapin rouge (1h25) : le 11 février 2017, le 14 mars et le 8 avril à 20h. Spectacles vus le 26 novembre 2016. Tél. : 04 93 13 90 90. www.tnn.fr

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