La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Phèdre(s)

Phèdre(s) - Critique sortie Théâtre Paris Odéon-Théâtre de l’Europe
Isabelle Huppert dans Phèdre(s). Crédit : Pascal Victor / agence ArtcomArt

Odéon – Théâtre de l’Europe / d’après Wajdi Mouawad, Sarah Kane, J. M. Coetzee et Jean Racine / mes Krzysztof Warlikowski

Publié le 28 mars 2016 - N° 242

A partir des mots de Wajdi Mouawad, Sarah Kane, J. M. Coetzee et Jean Racine, Krzysztof Warlikowski démultiplie les ombres et les visions d’une Phèdre plurielle. Au centre de ce kaléidoscope théâtral, Isabelle Huppert déploie toute l’ampleur de sa présence magnétique.

Isabelle Huppert est plus qu’une voix. Plus qu’un visage, qu’une apparence. Plus, même, qu’une façon de jouer, d’aborder des personnages. On pourrait dire que ce qui distingue la comédienne, c’est une manière d’être en scène. Une présence. Concrète. Aiguë. Tout à la fois pleine et contenue. Une façon de s’offrir à l’attention du public ainsi qu’à la matière des textes. D’assujettir et d’investir la suite d’instants qui font du théâtre ce qu’il est : l’espace d’un hors-le-temps. Retrouvant aujourd’hui à l’Odéon le metteur en scène Krzysztof Warlikowski (qui l’avait une première fois dirigée en 2010, au sein du même théâtre, dans une adaptation d’Un Tramway nommé désir), l’actrice se lance dans Phèdre(s) avec une force et une virtuosité qui en imposent. Conçue comme un dédale de cheminements formant des cercles excentriques autour de différentes visions de Phèdre, cette proposition fait se succéder trois textes : Une Chienne de Wajdi Mouawad (commandée pour le spectacle, cette pièce s’inspire à la fois de Sénèque et d’Euripide), L’Amour de Phèdre de Sarah Kane et un chapitre d’Elizabeth Costello, de J. M. Coetzee, dans lequel sont insérés des passages de Phèdre de Racine.

 Accents sexuels et oniriques

Un kaléidoscope théâtral, donc, que ce projet aux multiples modulations et points de vue. Une avancée en terres mythologiques et contemporaines, dont les fragments pourraient former les innombrables éclats d’un miroir brisé. Sur le plateau, les surfaces réfléchissantes monumentales pensées par la scénographe Małgorzata Szczęśniak restent intactes. Répondant aux projections vidéographiques qui rendent l’image d’Isabelle Huppert omniprésente, elles participent aux jeux de réflexions et de diffractions qui font de ce Phèdre(s) une célébration de la grande comédienne. C’est avant tout pour elle qu’il faut voir ce spectacle dont les fulgurances esthétiques ne suffisent pas à pallier certains creux. Car hormis les belles performances de Norah Krief et Rosalba Torres Guerrero en chanteuse et danseuse orientales, lorsque l’interprète-star n’est pas au centre de la mise en scène, la représentation fléchit. Impérieuse, distanciée, profonde, organique, aérienne, violente, impudique, tellurique…, Isabelle Huppert est le fil d’Ariane de cette création aux forts accents sexuels et oniriques. Peignant des panoramas partagés entre monde des hommes et monde des dieux, désirs de pureté et exaltations des corps, l’actrice achève son parcours par un hommage à Racine. Presque un moment de grâce.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Phèdre(s)
du jeudi 17 mars 2016 au vendredi 13 mai 2016
Odéon-Théâtre de l’Europe
Place de l'Odéon, 75006 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h, les dimanche à 15h. Relâche les lundis. Relâche exceptionnelle le 1er mai. Durée du spectacle : 3h10 avec entracte. Tél. : 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu

Egalement du 27 au 29 mai 2016 à la Comédie de Clermont-Ferrand, les 26 et 27 novembre au Grand Théâtre du Luxembourg, du 9 au 11 décembre au Théâtre de Liège.

 

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