La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Phèdre

Phèdre - Critique sortie Théâtre Paris Comédie-Française
Crédit photo : Brigitte Enguérand Légende : « Elsa Lepoivre dans Phèdre par Michael Marmarinos. »

Comédie-Française / de Racine / Mes Michael Marmarinos

Publié le 30 mars 2013 - N° 208

Avec Phèdre (1677), Marmarinos installe la brûlure tragique dans l’ombre de la solitude existentielle moderne et sous le soleil viscontien de la déchéance. 

Le metteur en scène grec Michael Marmarinos situe l’épure tragique du drame sacré de Phèdre sur le sol d’une villa maritime installée sur la cité grecque du Péloponnèse, à Trézène. Avec ses oiseaux blancs qui planent, la mer scintille par-delà les baies ouvertes de la demeure princière et leurs volets de bois qu’articulent avec précaution les femmes de la suite de Phèdre. À la manière de Visconti, le soleil ensommeille de son éclat mordant la vue panoramique tandis que les tensions intérieures exacerbées de la tragédie antique, revues sous le regard classique de Racine, infligent la souffrance à des âmes nobles blessées, victimes et bourreaux, à la fois. Phèdre, aux origines divines contrastées, aime douloureusement Hippolyte, le fils de son époux, le puissant Thésée. De son côté, le jeune homme n’a d’yeux que pour les forêts, les chevaux, la force virile paternelle, mais aussi pour la jeune Aricie, princesse de sang royal d’Athènes que Thésée garde en otage. Dire ou ne pas dire, telle est la question de Phèdre, selon Barthes. Mais les dés sont jetés dès que l’amoureuse éplorée (Elsa Lepoivre), cédant aux instances autoritaires de sa confidente Oenone (Clotilde de Bayser), fait des aveux inavouables. « C’est toi qui l’as nommé », réplique Phèdre à la suivante qui a cité Hippolyte. La parole insidieuse, une fois échappée, ne peut plus se retenir et le destin fatal s’accomplit.

Une solitude existentielle avant l’heure

L’anormalité des sentiments coupables est « personnifiée » dans le monstre marin déchaîné par le dieu Neptune, à la demande du crédule Thésée (Samuel Labarthe) qui veut punir son fils, incestueux et sacrilège à ses yeux. La mise en scène est éloignée de tout néoréalisme ; ceci, malgré la présence assourdie d’une radio grecque posée sur une table avec carafe d’eau et quelques verres ; malgré la facétieuse Panope (Cécile Brune) qui se régale de confiture avant d’annoncer la mort supposée de Thésée ; malgré les sauts à la renverse d’Aricie à la joie de se sentir aimée par Hippolyte – et de sa confidente Ismène (Émilie Prevosteau), sur un lit de salon ; malgré le micro sur pied dont use Théramène ( Éric Génovèse) ; malgré les voix chuchotées, et les reprises de didascalies d’un personnage à l’autre, commentant les discours dans un jeu distancié. Une solitude existentielle avant l’heure mine ces figures maudites. Le spectacle convainc par sa beauté qui tisse l’étoffe charmante du printemps de la vie. Ni Phèdre ni Thésée n’emportent la mise sur le tapis de la dramaturgie, mais ce sont les amants Aricie et Hippolyte, d’authentiques jeunes premiers qui illuminent la scène et ravissent l’attention. Jennifer Decker dégage la pudeur de l’éveil amoureux alors que Pierre Niney joue un Hippolyte altier et flamboyant. Pari audacieux réussi pour un tragique d’aujourd’hui.

Véronique Hotte

A propos de l'événement

Phèdre
du samedi 2 mars 2013 au mercredi 26 juin 2013
Comédie-Française
Place Colette 75001 Paris

Du 2 mars au 26 juin 2013, en alternance. Matinées à 14h, soirées à 20h30. Tél : 0825 10 16 80 (0,15 euro la mn).
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