La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Partager l’aventure de la création

Partager l’aventure de la création - Critique sortie Théâtre Ivry-sur-Seine Théâtre d’Ivry Antoine Vitez
Yann-Joël Collin. ©DR

Théâtre d’Ivry Antoine Vitez/ La Mouette / de Anton Tchekhov / mes Yann-Joël Collin

Publié le 28 octobre 2014 - N° 225

Yann-Joël Collin et la compagnie La Nuit surprise par le Jour mettent en scène La Mouette et ses questionnements sur la création artistique, en associant les spectateurs à l’aventure de la création. Une mise en jeu au présent de la construction théâtrale. 

Pourquoi avez-vous voulu mettre en scène La Mouette ?

Yann-Joël Collin : Ce texte permet de mettre en jeu notre lien au théâtre à travers des questions qui nous tarabustent, telles que l’utilité et la visée du théâtre et le rapport au public. A l’endroit où nous en sommes avec notre compagnie La Nuit surprise par le Jour, j’ai trouvé intéressant de nous mettre en question à travers ce texte et à travers notre travail. La Mouette se prête à cette mise en jeu de notre désir de créer une relation forte avec le public. Cette ambition est un peu obsessionnelle chez moi ; nous voulons partager une expérience avec le public, partager les enjeux réels de l’être humain et de la création. Pour vivre ensemble cette expérience, nous utilisons le texte dans sa version intégrale et dans sa globalité, y compris les didascalies. Pour le spectateur comme pour l’acteur, nous voulons accéder au texte à cet endroit où les choses se vivent, ce n’est pas une mise en abyme mais une mise en jeu. Nous voulons vivre pleinement cette aventure, fortement et émotionnellement.

 

« Nous jouons avec les outils de la représentation, en allant le plus loin possible. »

 

Quels sont les enjeux de la pièce ?

Y.-J. C. : Pour la plupart d’entre eux, les personnages de La Mouette s’interrogent eux-mêmes sur la relation à la création artistique et au théâtre. Ils  sont à la fin d’une époque, et se posent des questions sur ce qu’ils ont accompli ou pas, sur l’échec de leur vie ou pas, et certains parmi les plus jeunes finissent par se suicider. On retrouve un peu Tchekhov dans tous les personnages, et l’écriture laisse émerger une lucidité, une intelligence et une humanité qui se conjuguent. Les personnages se confrontent à leur médiocrité, reconnaissent la position d’échec et n’arrivent pas à s’en sortir. C’est une comédie drôle et cruelle sur la nature humaine, sur des désirs maladroits, sur nous et notre propre vanité, et cette comédie finit sur une impasse. Dans les deux premiers actes surtout, on rit de ce qui rate et nous fait mal, c’est drôle et impitoyable. Nous voulons mettre en jeu ces parcours et cette lucidité. L’écriture très construite interroge l’humain, interroge le théâtre et la société humaine, et décrit différentes manières de vivre l’expérience du réel. Notre mise en scène questionne l’acteur dans sa condition et sa fragilité et questionne la représentation même. Parmi les prochains projets de la compagnie, nous voulons monter La Cerisaie, afin d’aller encore plus loin dans le rapport qu’on construit avec le public, et de faire le deuil de notre Cerisaie, pour pouvoir rebondir et connaître d’autres aventures de théâtre.

 

De quelle manière construisez-vous cette relation au public ?

 Y.-J. C. : Nous sommes dans une économie de moyens radicale au départ, désencombrée de tout folklore. « Vous savez, je voudrais qu’on me joue de façon toute simple, primitive, (…) sur l’avant-scène, des chaises… Et puis de bons acteurs qui jouent. C’est tout… » dit Tchekhov. Comme dans le premier acte les acteurs assistent à la représentation de La Mouette de Treplev, dramaturge et fils d’Arkadina, il m’a semblé évident que les spectateurs se placent au même endroit, et assistent aussi à la représentation. Tous ensemble dans le même espace, nous mettons en jeu le théâtre lui-même. Les acteurs deviennent spectateurs, les spectateurs deviennent acteurs. Dans le deuxième acte, nous utilisons la vidéo en direct, filmée par les acteurs qui se déplacent. Sans quatrième mur, les acteurs s’adressent à la caméra, à un autre partenaire dans la fiction. La vidéo entraîne le public dans une attitude à la fois critique et participative. Nous jouons avec les outils de la représentation, en allant le plus loin possible. Dans le troisième acte, qui, comme souvent chez Tchekhov, est celui de la crise, acteurs et spectateurs doivent être dans un rapport encore plus étroit. Quelque chose s’invente et s’éprouve sur le plateau directement avec le public. La Mouette est un projet contemporain fort pour nous et j’espère pour le public aussi.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Partager l’aventure de la création
du lundi 3 novembre 2014 au dimanche 30 novembre 2014
Théâtre d’Ivry Antoine Vitez
1 Rue Simon Dereure, 94200 Ivry-sur-Seine, France

à 20h sauf jeudi à 19h et dimanche à 16h, relâche les lundis sauf le 3. Tél : 01 43 90 11 11.

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