La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Operaporno

Operaporno - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Operaporno de Pierre Guillois, au Théâtre du Rond-Point. CR : Fabienne Rappeneau

Théâtre du Rond-Point / écriture et mes Pierre Guillois

Publié le 27 mars 2018 - N° 264

Operaporno défie les lois du genre opératique en faisant d’un week-end en amoureux la trame d’une comédie trash et hilarante.

Tout commence dans un cadre idyllique, près d’une petite bicoque aux volets de guingois, sise au bord d’un lac sur lequel flotte une barque, telle une invitation au farniente et à la pêche. Entre les arbres et les roseaux, on aperçoit un violoncelle couché sur un piano. Nous sommes ici à l’opéra, indique le titre, plutôt à l’opérette en fait, ou à l’opéra-comique, certainement pas sur un tournage porno, porno qui ne sera d’ailleurs que verbal et surtout très rigolo. Dans cet Eden de pastorale, très vite, tout déraille. Un homme d’une cinquantaine d’années rejoint sa modeste demeure familiale pour un week-end prolongé en compagnie de sa nouvelle femme, une blonde plantureuse qui ne mâche pas ses mots, mais aussi – quelle drôle d’idée –, de son fils et sa mère. Et près de ce lac qui s’avèrera n’être qu’un étang, une mare, voire un trou d’eau, le fils se révèle très tôt sensible aux charmes de sa belle-mère tandis qu’une chute des clés dans l’eau condamne l’ancêtre à rester enfermée dans la voiture. « Lol, je blague, je rigole » entonne la sexy Clotilde dans un air d’opérette. Décalage entre le registre lyrique et un langage qui n’a pas peur du vulgaire, dialogues tout en ruptures, action qui tourne au vaudeville familial rythmé en direct par l’accompagnement musical, on comprend très vite qu’il s’agit ici de briser les tabous et les codes.

Comédie trash

Et de se retrouver près d’une heure et demie plus tard avec les quatre personnages entonnant joyeusement la morale de l’histoire, chantant avec le même sérieux opératique « on ne fiste pas son fils, son petit-fils (…) on n’éjacule pas dans grand-mère » ! Que s’est-il passé pour en arriver là ? Il a fallu que se déploie tout le culot – et le talent – de Pierre Guillois, ancien directeur du théâtre du Peuple de Bussang et Molière 2017 de la meilleure comédie pour Bigre, lancé sur une idée folle née de son compositeur et pianiste Nicolas Ducloux. Un culot qui les a conduits à abattre une par une toutes les barrières qui séparent le correct du vulgaire, l’acceptable du graveleux, le rire gras de l’humour spirituel, à partir d’une écriture acrobatique, portée par une troupe de comédiens chanteurs aussi doués pour le comique que pour le chant. Dans cette comédie cul, on n’arrête pas de s’étonner de l’audace de chaque nouvelle situation, de chaque nouvelle réplique, de ces gags qui auraient paru quelques secondes avant impensables, et qui s’avèrent diablement efficaces, et par moments franchement hilarants. Inceste, scatologie et sodomie, aucun tabou ne résiste à cette comédie trash, on l’aura compris, à ne pas mettre entre toutes les oreilles, mais qui élargit franchement le spectre de la comédie.

Eric Demey

A propos de l'événement

Operaporno
du mardi 20 mars 2018 au dimanche 22 avril 2018
Théâtre du Rond-Point
2 Bis Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris

à 21h, relâche le lundi, le 25 mars, les 1er et 3 avril. Tel : 01 44 95 98 00. Durée : 1h20. Spectacle vu au CDN de Rouen. Egalement les 25 et 26 mai à Lannion, les 29 et 30 au Quartz à Brest.

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