La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

On a fort mal dormi

On a fort mal dormi - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Jean-Christophe Quenon dans On a fort mal dormi. Crédit : Compagnie coup de poker

Théâtre du Rond-Point / d’après Patrick Declerck / adaptation et mes Guillaume Barbot

Publié le 24 janvier 2017 - N° 251

Dans un seul en scène doux-amer, Jean-Christophe Quenon porte avec force la parole de l’ethnologue Patrick Declerck. Une plongée humaniste parmi les laissés-pour-compte ou « fous de l’exclusion ».

Pour le psychologue et ethnologue Patrick Declerck, qui signe Les Naufragés (2001) et Le Sang nouveau (2005), le clochard est une créature quasi-beckettienne. Un être qui « tente d’endormir sa conscience en buvant son vin » et qui n’a « jamais pu se réconcilier avec ce que Kant appelle les catégories du jugement : le temps, l’espace et la causalité, qui sont les conditions de possibilité de la pensée et de l’existence dans le monde ». On le sent dans chacune de ses phrases : l’homme sait de quoi il parle. Et il en parle bien. Son expertise, il la doit à une longue immersion dans les centres d’accueil de sans-abris de région parisienne, utilisée au sein de la première consultation d’écoute au sein de Médecins du Monde qu’il a créée à Nanterre. Adaptation par Guillaume Barbot des deux livres de Patrick Declerk, On a fort mal dormi s’ouvre sur une opération de déguisement : seul en scène, le comédien Jean-Christophe Quenon s’habille en racontant quelques anecdotes personnelles. Un pull, deux pulls, trois… « Les clochards transportent leur maison sur eux », dit-il. Il a beau résumer en quelques phrases sa vie à Paris avec une femme merveilleuse et trois enfants, il incarne déjà le psychologue sur le point d’aller pour la première fois passer la nuit au centre d’accueil de Nanterre. Parce que « c’est là le seul moyen de savoir ce qui s’y passe vraiment ».

 

Observateur des rues

Bientôt, le comédien s’efface tout à fait derrière son personnage. « Je m’appelle Patrick Declerk. J’ai passé un peu plus de quinze ans de ma vie à m’intéresser aux clochards de Paris », dit-il avec un mélange de tendresse et de colère qui ne le quittera à aucun moment de son monologue. Sur une simple structure en bois, Jean-Christophe Quenon captive par la complexité de son regard et de son sourire autant que par la partition hybride dont il s’empare. Entre réflexions scientifiques et histoires de vies récoltées en consultations et en centres d’accueil, le montage de textes réalisé par Guillaume Barbot dessine un portrait tout en paradoxes. Souvent bruts, empreints d’oralité, les mots de Patrick Declerk traduisent la proximité du médecin avec ceux qu’il a tant bien que mal tenté d’aider. Ceux qu’il a aimés autant que détestés, et dont il a fini par s’éloigner de peur de la contamination « réelle et symbolique ». Loin de toute idéalisation de la misère de la rue et des métiers sociaux, On a fort mal dormi est avant tout le témoignage d’une inquiétude. Sur les sociétés qui produisent de l’exclusion et sur l’Homme, qui contient en germe la possibilité du « fou de l’exclusion ».

 

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

On a fort mal dormi
du mardi 21 février 2017 au dimanche 12 mars 2017
Théâtre du Rond-Point
2 Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris, France

Théâtre du Rond-Point, 2 avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris, France. Du 21 février au 12 mars 2017, du mardi au samedi à 20h30, à 15h30 le dimanche. Relâche le 26 février. Tel : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr.

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