La Terrasse

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Théâtre - Critique

Œdipe-Roi

Œdipe-Roi - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Aquarium
Œdipe (Pierre Baux) et Jocaste (Clotilde Ramondou). Crédit photo : DR

Théâtre de l’Aquarium / De Sophocle / Mise en scène Antoine Caubet

Publié le 26 novembre 2013 - N° 215

Antoine Caubet donne une version actuelle de la tragédie de Sophocle qui touche par la force du texte.

« Monstre incompréhensible et déroutant, à la fois agent et agi, coupable et innocent, lucide et aveugle, maîtrisant toute la nature par son esprit industrieux et incapable de se gouverner lui-même ». D’un trait sûr, l’éminent historien Jean-Pierre Vernant esquissait ainsi la figure d’Œdipe, burinée tout en oxymores… Pour juguler l’épidémie de peste qui ravage les terres et vide les maisons de Cadmos, le roi écoute en effet la pythie et cherche le coupable qui, par son ignominie noircie au sang, ruine l’avenir de Thèbes. Sûr que les dieux l’inspirent, celui qui vainquit hier la perfide Sphinge en déchiffrant l’énigme, mène l’enquête avec force et ardeur. Et peu à peu se découvre au revers exact de celui qu’il se croyait : non le justicier, mais le criminel parricide et incestueux, non le sauveur de sa cité, mais l’odieuse souillure dont elle périt. Et plus il fouille le passé en quête de son histoire et croit échapper à la terrible prédiction, mieux il l’accomplit malgré lui… L’implacable mécanique tragique le broie et le jette hors de l’identité qui le tenait au monde. Le voici devenu étranger à lui-même. Sans doute est-ce l’énigme creusée au cœur même de l’être, ce besoin viscéral de connaître la vérité de ses origines, contre toute sagesse, qui fascinent et vibrent en chacun, posant le héros « aux pieds enflés » en effigie de la destinée humaine qui avance en aveugle sur les chemins de la vie.

La soif de savoir

Antoine Caubet, metteur en scène, comédien et ici auteur également du texte français, entend jouer au présent cette tragédie composée par Sophocle voici quelque 2500 ans. Il revendique « un théâtre qui s’invente en direct, qui interroge notre humanité dans l’immédiateté du face-à-face entre la salle et la scène : une expérience partagée pour une quête commune. » Belle ambition. Qu’il ne suffit cependant pas d’illustrer. Ainsi de la scénographie, qui montre un plateau en cours de montage et un gradin bi-frontal peuplé par des ombres d’imaginaire, ou de l’adresse au public comme à la communauté des Thébains ou encore de la lumière qui peu à peu meurt dans l’obscurité suivant les yeux crevés d’Oedipe. La mise en scène semble laborieuse et accorde encore difficilement l’ensemble, lesté par un jeu inégal des acteurs. En revanche la traduction, vive et franche, le chœur porté au micro par Cécile Cholet et Delphine, et l’interprétation de Pierre Baux, Œdipe généreux et colérique, aimanté vers son fatal destin par le désir irrépressible de savoir, font résonner à plein la déflagration de la tragédie. « Dans sa simplicité apparente, le mythe noue et solidarise des forces psychiques multiples. Tout mythe est un drame humain condensé. ». La phrase de Bachelard passe alors en trottinant dans les esprits…

Gwénola David

A propos de l'événement

Œdipe-Roi
du mercredi 13 novembre 2013 au dimanche 15 décembre 2013
Théâtre de l’Aquarium
route du champ de manœuvre, 75012 Paris.

Jusqu’au 15 décembre 2013, à 20h30 sauf dimanche à 16h, relâche lundi. Tél. : 01 43 74 72 74. Durée : 1h45.
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