La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien

Norma Claire

Norma Claire - Critique sortie Danse
Portrait Norma Claire : crédit photo : Rimoux Crédit : David Merle Légende : Les cinq interprètes de la création de Norma Claire, des corps comme une mosaïque.

Publié le 10 mars 2011 - N° 187

Together, vite !

Le monde comme une mosaïque, et l’urgence d’exprimer les différences qui nous unissent : la nouvelle création de Norma Claire prend à bras-le-corps la pensée d’Edouard Glissant en jouant sur la rencontre entre cinq danseurs. Un antidote à la mondialisation et à l’uniformisation des corps et des idées.

« La pièce est un appel au rassemblement et à l’acceptation des cultures et des différences. »
 
Quelle est cette urgence que l’on devine à travers le titre de cette nouvelle pièce ?
 
Norma Claire : C’est une nécessité, celle de dire que si l’on n’est pas dans la confiance en un monde qui tourne avec ses diversités, et si l’on ne réagit pas assez vite, on va droit vers un enfermement. C’est quelque chose que je ressens fortement : des racismes et des oppositions montent en puissance. La pièce est un appel au rassemblement et à l’acceptation des cultures et des différences. Le monde n’existe pas autrement que comme cela, et l’existence même de l’individu est liée à la différence. Ensemble, multiples, et opposés s’il le faut, et vite, vite, vite ! Comprenons l’urgence par rapport à un processus qui se développe sur le rejet de l’autre, alors que l’argument économique précipite ce processus. Le délit de faciès devient de plus en plus évident, le resserrage des communautés de plus en plus fort, le racisme de plus en plus vulgaire.
 
D’où cette envie de rassembler des interprètes qui posent à la fois la question de la culture, de la nationalité et de la technique de danse ?
 
N. C. : Oui, c’est une sorte de mosaïque qui se fait par la différence des identités, des cultures, des styles de danse. Il y a cinq nationalités, cinq techniques différentes, et il y a des moments où ils cherchent de nouveaux langages. Comme lorsqu’on apprend une autre langue que la sienne et que l’on s’adapte.
 
C’est une pièce qui semble s’ouvrir, au regard de pièces précédentes comme Ti peyi, loin loin, plus axées sur la culture créole…
 
N. C. : En fait, c’est dans la continuité du processus de la créolité universelle. Cette résidence de deux ans au Théâtre d’Ivry Antoine Vitez reposait sur une pensée du philosophe Edouard Glissant, qui défendait cette pensée de l’avenir, tournée autour de la créolisation du monde. Cette pensée là est totalement ouverte, très large. Les créoles sont un peuple construit sur le mélange, sur le métissage, sur les rencontres ethniques d’Afrique, d’Inde, d’Asie, d’Europe, etc. J’ai posé la question de la culture créole à travers certaines de mes pièces comme Ti peyi, comme Juste un zeste d’amour, mais ce qui m’intéresse là, c’est de rendre compte de cette diversité et de son ouverture sur le monde.
 
Comment mettez-vous en scène ce propos-là ?
 
N. C. : Il y a cinq danseurs : une indienne, une marocaine, une européenne, un africain, et un asiatique. Le spectacle repose non pas sur une histoire qui se lit du début jusqu’à la fin, mais plutôt sur des rencontres de l’un à l’autre. Ils se parlent de différentes choses comme le désir, comme la violence qui correspond à ce que vit l’Afrique en ce moment, comme la façon dont la danse orientale glisse vers le hip hop…
 
Quelle est votre vision du métissage en danse ?
 
N. C. : Mon approche est basée sur le croisement, plutôt que sur le face-à-face, en évitant justement de créer une simple rencontre où chacun s’exprime dans son histoire et regarde l’autre. Ce sont des jeux sympathiques et agréables, mais j’essaye de créer du lien sur des moments où ils sont ensemble et où la chorégraphie permet de passer de l’un à l’autre. Cela veut dire que les danseurs ont dû apprendre beaucoup : par exemple un danseur africain s’approprie la gestuelle indienne des mains jusqu’au bout des doigts…
 
Vous sentez-vous porte-parole ?
 
N. C. : Je me sens dans une continuité, et c’est aussi très important d’affirmer la place de l’Outre-mer. L’expression créole existe, et elle a sa place à part entière en France. Mais c’est toujours une difficulté, elle est mise de côté par ignorance. On n’a pas fini d’exprimer des choses de cet ordre-là, c’est ce que je fais dans la création et au quotidien.
 
Propos recueillis par Nathalie Yokel


 
Together vite ! de Norma Claire, les 2, 9, et 16 mars à 14h30, les 5, 12 et 19 mars à 18h, et les 6, 13 et 20 mars à 16h, au Théâtre Antoine Vitez, 1 rue Simon Dereure, 94200 Ivry-sur-Seine. Tel : 01 46 70 21 55.

A propos de l'événement


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