La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Nicolas Liautard / Montrer ce qu’il ne faut pas montrer

Nicolas Liautard / Montrer ce qu’il ne faut pas montrer - Critique sortie Théâtre Vincennes La Tempête
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Publié le 27 mars 2017 - N° 253

Après Scènes de la vie conjugale, présenté l’an dernier à La Colline, Nicolas Liautard aborde Après la répétition, de Bergman, qui lui permet de poursuivre ses recherches sur la méthode de travail de l’acteur.

« La fusion entre la fiction et la réalité m’intéresse beaucoup, car j’y vois le combustible de l’événement théâtre. »

 

 Après Scènes de la vie conjugale, pourquoi choisir à nouveau Bergman ?

Nicolas Liautard : Je n’ai pas le sentiment de « choisir à nouveau » Bergman, mais de poursuivre une méthode de travail de l’acteur. Chez Bergman, la fusion entre la fiction et la réalité m’intéresse beaucoup, car j’y vois le combustible de l’événement théâtre. J’en pressens bien la dangerosité sur un plan esthétique, j’imagine bien qu’il il y a, quelque part, une zone de non retour où le théâtre se désintègre faute de distance, mais je ne sais pas encore où elle se situe. Alors j’y vais, pour voir.

La pièce est construite autour de deux rencontres avec la mère puis la fille. Quelles différences ?

N.L. : Rakel (la mère) a été une actrice objet, dont il est dit qu’on : « pouvait tout faire avec elle, tout obtenir, tout lui faire croire » (la fameuse marionnette chère à Bergman), alors que la fille, au contraire, est celle qui « manipule » le metteur en scène. Il y a même pour moi un renversement total de la position de l’actrice dans son rapport au metteur en scène.

Vous faites de l’obscène (mauvais augure dans son sens initial), l’objet de votre travail. Pourquoi ?

N.L. : Peu importe la définition primitive de mauvais augure ou mauvais présage ; j’aime bien penser que l’obscénité au théâtre consiste en « ce qu’il ne faut pas montrer », « ce qui doit être hors champ ou hors scène ». Il s’agit de penser l’obscénité peut-être comme les Grecs, pour qui le théâtre consistait à évoquer par le verbe ce que l’on ne pouvait pas montrer, la vision contenue dans la parole. Or, ce qu’il faut ou pas montrer est une question dont le champ est à la fois esthétique et religieux. Alors oui, peut-être que montrer ce qui, selon La Loi, ne doit pas être montré, est réellement de mauvais augure, dans la perspective du châtiment promis à celui qui transgresse la Loi. Mais pour en revenir plus prosaïquement à Après la répétition, où nous ne risquons tout de même pas le châtiment divin, il me semblait que d’une part une répétition était justement un événement qui se situait en dehors du champ de la représentation, et que, de surcroît, les échanges qui peuvent avoir lieu « après » une répétition sont en quelque sorte doublement en dehors du champ de la représentation, doublement obscènes, dans le sens qui vient d’être proposé. Puis, cette notion de « champ en dehors de la représentation » m’a amené à enregistrer nos commentaires de répétition pour les réintroduire en représentation. Le spectateur entendra donc plusieurs états de notre réflexion (passée), superposés à un autre état de notre travail (présent).

 Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

du jeudi 27 avril 2017 au dimanche 28 mai 2017
La Tempête


Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris. Du 27 avril au 28 mai 2017. Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 16h30. Tél. : 01 43 28 36 36.

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