La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2016 - Entretien / Paul Golub

Neva

Neva - Critique sortie Avignon / 2016 Avignon Avignon Off. Le Nouveau Ring
© Thierry Laporte Paul Golub crée Neva de Guillermo Calderon.

Le Nouveau Ring / De Guillermo Calderon / mes Paul Golub

Publié le 26 juin 2016 - N° 245

Paul Golub met en scène un très beau texte signé par Guillermo Calderon, auteur majeur du théâtre sud-américain, encore méconnu en France. Au carrefour de deux époques, un portrait vibrant d’Olga Knipper et une méditation profondément vivante sur l’engagement artistique et politique.

Que raconte ce texte de Guillermo Calderon, auteur chilien plutôt méconnu en France ?

Paul Golub : Neva raconte un monde éphémère et fragile, celui du théâtre, qui entre en collision avec la violence politique de la Russie prérévolutionnaire. L’action  se déroule à Saint-Pétersbourg le 9 janvier 1905. Au début de la pièce on retrouve Olga Knipper, la veuve d’Anton Tchekhov et comédienne célèbre, en train de répéter son monologue de La Cerisaie mais ça ne sort pas. Dehors, dans les rues de Saint-Pétersbourg, c’est un autre drame qui est en train de se jouer : en ce dimanche de janvier 1905, l’armée du tsar a ouvert le feu sur les milliers de manifestants qui défilaient dans la ville.  L’auteur met en scène la rencontre d’un personnage et d’un événement réels – Olga Knipper et le Dimanche Rouge – avec deux personnages fictifs, les jeunes comédiens Aleko et Macha, et situe l’action dans des circonstances inventés, la répétition de La Cerisaie.

Comment s’articule la relation entre acteurs et personnages ?

P. G. : Les personnages interprètent à tour de rôle des extraits des pièces de Tchekhov et des évènements de leurs propres vies. Ils se confrontent dans une joute verbale brillante, passionnée et souvent très drôle. L’auteur nous tient en haleine et on ne sait pas toujours si les personnages expriment la vérité de leurs sentiments ou si c’est du « théâtre ». Mais l’enjeu pour les personnages est d’une urgence absolue : ils sont au bord du gouffre et pour ne pas y tomber, avec une invention née du désespoir, ils jouent à jouer. Théâtre et vie, vérité et mensonge, se confondent et c’est seulement à la fin que les « vraies » positions de chacun se révèlent.

« Y a-t-il un sens à faire du théâtre quand le monde brûle ? »

En quoi ce portrait d’Olga Knipper est-il une méditation sur l’acte théâtral ?

P. G. : Avec beaucoup d’humour mais aussi beaucoup de férocité, l’auteur pose dans Neva une question apparemment naïve mais en fin de compte essentielle : y a-t-il un sens à faire du théâtre quand le monde brûle ? La force de ce texte est de ne pas donner de réponses simplistes. Neva est à la fois un grand chant d’amour au théâtre et une attaque sans pitié contre une certaine complaisance qui perdure dans le milieu théâtral. Le personnage d’Olga Knipper est au centre de la pièce et, d’une certaine manière, elle incarne l’idée que l’Art suffit à lui-même et n’a d’autre rôle que d’élever son public par des grands sentiments et émotions. Mais le fait qu’au début de la pièce, elle est en crise et n’arrive pas à jouer, montre que, même en pensant éviter la question politique, elle n’arrive pas à échapper pas aux bouleversements de la société. A l’image des personnages des pièces de Tchekhov, Olga mais aussi les deux jeunes comédiens sentent bien qu’ils sont à l’orée d’un monde nouveau, mais discernent avec difficulté quelle forme celui ci va prendre. Ils sont vivants, indemnes physiquement, mais néanmoins n’échappent pas à la violence. Ils sont l’incarnation même de la fracture irrémédiable qui émerge à ce moment en Russie.

Qui sont les comédiens ?

P. G. : Le choix le plus important de la mise en scène a été dans le choix des comédiens. Avec Anne Girouard, Marc Lamigeon et Pauline Belle, j’ai réellement la distribution dont je rêvais ! Il fallait trouver trois comédiens puissants, pleins d’humour, qui pouvaient se comprendre au quart du tour, car les virages que prend ce texte sont assez radicaux. Avec justesse, Marc Lamigeon a comparé ce texte à du jazz ; il y a une partition précise mais aussi une énorme liberté dans l’interprétation, une liberté qui se gagne seulement dans l’écoute sensible et rigoureuse que les comédiens doivent avoir entre eux.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Neva
du mercredi 6 juillet 2016 au samedi 30 juillet 2016
Avignon Off. Le Nouveau Ring
Rue Trial, 84000 Avignon, France

à 11h50. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.

Tél: 0658213436

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