La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Jazz / Musiques - Entretien

Melingo – Loin de la nostalgie de l’exil

Melingo – Loin de la nostalgie de l’exil - Critique sortie Jazz / Musiques saint denis Théâtre Gérard Philipe
Melingo © Alfredo Srur

TANGO / BANLIEUES BLEUES / SAINT-DENIS

Publié le 27 mars 2014 - N° 219

Le chanteur-auteur-compositeur-multi-instrumentiste argentin un peu déglingue et au charme fou signe avec l’album “Linyera” (chez World Villlage) un fascinant bloc-notes musical aux mille entrées, tour à tour et tout à la fois journal intime imaginaire, carnet de bal, livre d’images et road movie sonore. Entouré de quelques-uns des meilleurs musiciens argentins, le rocker décalé et crooner recalé y invente en douze chansons delectables un tango interlope qui embarque et chavire.

Quel sens donner au titre « Linyera » de votre nouvel album ?

Melingo : Dans la langue argotique utilisée pour écrire le tango, le lunfardo,  « linyera » est le nom que l’on donnait aux travailleurs immigrés de diverses origines qui travaillaient à la cueillette. Après quoi ils rentraient chez eux… Le « linyera » est une sorte de vagabond qui vit de ce qu’il trouve ou de ce qu’on lui donne. Le vagabond transporte toujours dans son baluchon ses affections et ses petits biens matériels. J’ai agrégé ce rêveur muet, perdant de la vie en apparence, à ma galerie de personnages : homme heureux avec la liberté de son âme, un peu clown avec ses émotions, amiral de sa solitude, coutelier du destin, ramoneur de sa propre cheminée, boulanger de son propre pain, pilote de lui-même…

Quelle est la griffe musicale particulière de ce nouvel album ? 


Melingo : Cela fait plus de 120 ans que le tango représente notre culture urbaine. Né de l’amalgame de coutumes rapportées de l’immigration et de traditions créoles, il est cette musique, danse et philosophie que plus tard on a appelé « Tango ». Et que le monde a rencontré grâce à Carlos Gardel, son plus grand représentant. Dans le génome du tango, on trouve des musiques et des coutumes de la campagne (milonga, improvisation) fondées sur des rythmes populaires et folkloriques de communautés d’immigrants de Buenos Aires, nostalgiques de leurs pays natal. La Habanera, le Pasodoble, la Tarentelle ou la Polka sont les danses qui lui ont donné sa première forme. Sans oublier l’apport des instruments européens comme la flûte, la clarinette, le piano, la guitare ou le violon, et évidemment le bandonéon allemand qui lui a donné son image sonore définitive et mélancolique. Comme on le constate depuis les débuts, le Tango se nourrit de cultures diverses qui sont arrivées par le Rio de la Plata au début du 20ème siècle. Le Tango a parcouru tout le siècle et arrive jusqu’à aujourd’hui en pleine  santé, continuant de se fortifier au contact de différents éléments atemporels et actuels. Loin d’être une idée enfermée dans son concept, le Tango regarde toujours ses propres racines, universelles et issues de la tradition. Mon Tango est une éponge, un big-bang cramoisi, incandescent et obscur. C’est un aller-retour entre la musique de chambre européenne et les ruelles humides portenas, joué par mille cordes différentes qui se multiplient. C’est la clameur de l’amour, propriétaire de mon cœur et désir de ma chair. Un rêve devenu réalité.

« Mon Tango est une éponge, un big-bang cramoisi, incandescent et obscur. »

Le disque a été enregistré à Buenos Aires. Comment cette ville vous influence-t-elle en tant qu’artiste?

Melingo : Buenos Aires est la ville dans laquelle je suis né et où j’ai grandi. De ses rues, pavés, quartiers, bistrots et habitants, j’ai décodé ce qui était nécessaire à l’inspiration de mes chansons et mes textes. N’importe quelle ville du monde, de préférence avec un port, peut vibrer comme Buenos Aires. 
L’émotion particulière de Buenos Aires, que je ne rencontre pas ailleurs, c’est qu’ici, je suis connecté à tout ce qui constitue pour moi une base fondamentale et véritable. Authentique et originale. Idéale pour le travail, loin de la nostalgie de l’exil. Avec une énergie qui me nourrit.

Propos recueillis par Jean-Luc Caradec

Remerciements à Miles Yzquierdo pour la traduction

A propos de l'événement

RUDI FLORES TRIO + MELINGO LINYERA
du mercredi 9 avril 2014 au mercredi 9 avril 2014
Théâtre Gérard Philipe
59 Boulevard Jules Guesde, 93200 Saint-Denis, France

Mercredi 9 avril à 20h30. Tél.  01 49 22 10 10.

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