La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Classique / Opéra - Critique

Manon, héroïne perdue

Manon, héroïne perdue - Critique sortie Classique / Opéra
Crédit Richard Schroeder Légende : Les sopranos Céline Laly et Kelly Hodson dans la Katia Kabanova terriblement humaine d'André Engel aux Bouffes du Nord.

Publié le 10 février 2012 - N° 195

Sur le papier, la production ne manquait pas d’allure, avec Coline Serreau, désormais familière des lieux, à la mise en scène, une distribution emmenée par Natalie Dessay et le dynamique Evelino Pido dans la fosse. Hélas, rien ou presque ne fonctionne et l’héroïne de l’Abbé Prévost se perd ici dans le ridicule bien plus que dans le péché.

La scénographie, tout d'abord, étonnamment hésitante, ne parvient jamais à s'approprier l'espace scénique de l'Opéra Bastille. Au premier acte, elle cède à la tentation du monumental, mais ce décor immense, qui monte jusqu'aux cintres, se révèle à la fois pesant et creux. Au second acte, changement complet : le décor se réduit à la chambre où logent Manon et Des Grieux, au centre de la scène. Mais les personnages sortent constamment de ce cadre et se retrouvent dans un absurde non-lieu théâtral. Les cinq actes se déroulent sans que jamais Coline Serreau ne montre de véritable idée directrice, multipliant au contraire quelques « trouvailles » scéniques éculées.

Anachronismes outranciers

Les anachronismes outranciers des costumes, qui semblaient devoir caractériser les personnages selon leur milieu (Guillot de Morfontaine en pourpoint et perruque Grand Siècle, blouson noir et coupe iroquoise pour Lescaut), rejoignent les trépignements systématiques qui tiennent lieu de chorégraphie au rang de taches de vulgarité stylistique. Et quand une image mieux tournée surgit – telles ces jeunes filles anges colorées qui tournoient en patins à roulettes dans Saint-Sulpice – elle est répétée jusqu'à la nausée. Dans un tel naufrage scénique, les solistes, le plus souvent plantés au devant de la scène à plusieurs mètres les uns des autres, ne se distinguent pas non plus par leur chant. Si Giuseppe Filianoti campe honorablement le Chevalier Des Grieux, Natalie Dessay reste souvent peu audible, ne semblant guère à son aise que dans la vocalise. Ajoutons à cela un orchestre brouillon dès l'ouverture et l'on ressort avec l'impression d'avoir assisté, trois heures durant, à une esquisse préparatoire, peu inspirée de surcroît, plutôt qu'à une interprétation aboutie de l'ouvrage de Massenet.

Jean-Guillaume Lebrun


Manon de Massenet, mise en scène de Coline Serreau. Les 10, 14, 18, 22, 25 et 28 janvier, les 2, 5, 10 et 13 février à 19h30, sauf dimanche à 14h30, à l’Opéra Bastille. Les 10 et 13 février Marianne Fiset remplace Natalie Dessay dans le rôle-titre. Tél. 08 92 89 90 90. Places : 5 à 180 €.

A propos de l'événement


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