La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Madeleine Louarn / A l’endroit de compréhension du théâtre

Madeleine Louarn / A l’endroit de compréhension du théâtre - Critique sortie Théâtre Aubervilliers La Commune
Crédit photo : DR

La Commune / Tohu-Bohu / textes extraits du Pain des âmes de François-Marie Luzel, des Veillées absurdes de Daniil Harms et d’Alice ou le monde des merveilles (à partir de Lewis Carroll) / … que nuage… / d’après les pièces théâtrales et audiovisuelles de Samuel Beckett / mes Madeleine Louarn

Publié le 26 avril 2016 - N° 243

Madeleine Louarn et les comédiens handicapés de Catalyse présentent Tohu-Bohu, pièce en forme de manifeste de leur théâtre, et recréent … que nuage… qui revisite la poétique de Samuel Beckett.

Accroche : « Tout le monde a une relation au beau et la capacité d’être touché. »

 Tohu-Bohu et … que nuage… sont des pièces essentielles dans le répertoire de Catalyse.

Madeleine Louarn : Tohu-Bohu est une pièce manifeste. Elle est aussi la plus intime de toutes nos créations, un peu comme le récit du chemin d’un acteur handicapé. Elle reprend des extraits de trois de nos pièces, articulant le nonsense anglais et notre onirisme breton autour de la quête du paradis. C’est une pièce en fragments, que traversent des acteurs en état d’inquiétude : comment se tenir debout, comment enfiler un costume ? Les séquences sont interrompues par des moments d’improvisation, où chacun vient raconter ses souvenirs de théâtre. La voix de l’acteur se mêle à la voix de la personne qui essaie de restituer son propre désir d’acteur. La translation, le transfert entre la personne et le personnage produit, avec les acteurs de Catalyse, un effet de vérité très intéressant. Le rapport au langage est perturbé pour beaucoup d’entre eux, ce qui révèle tout l’intérêt et tout le vertige de la langue, ainsi traitée un peu comme une langue étrangère. Dans …que nuage…, images et pièces se superposent afin que cette mise en échos décuple l’impact de la poétique de Beckett, qui traduit le temps, la disparition, la répétition. Je crois que le handicap est un autre rapport au temps…

Comment avez-vous choisi de travailler avec ces acteurs ?

M. L. : Ça s’est fait sans que j’y réfléchisse. J’étais éducatrice spécialisée dans une institution qui considérait que la culture et les arts étaient essentiels dans la vie des personnes handicapées. Pourquoi pas le théâtre, me suis-je dit ? J’ai appris avec les acteurs et d’autres qui faisaient un travail comparable, et j’ai progressivement investigué les questions qui se posaient à moi. Ce projet repose sur l’idée que tout le monde a une relation au beau et la capacité d’être touché. Ce n’est pas la défaillance de l’intelligence ou de la compréhension qui bloque le sens esthétique. Ces acteurs ont un aspect spectaculaire non pas dans la monstration de leur handicap mais dans leur capacité à se métamorphoser et à rendre la grammaire théâtrale opérante. Leur présence est complète, ils ont un vrai impact scénique. Ils révèlent surtout cette chose que souvent on ne voit pas : le mouvement pour arriver à faire la chose. Shakespeare l’évoque dans la scène des artisans du Songe d’une nuit d’été: ces acteurs sont à cet endroit de compréhension de ce qu’est le théâtre. Ils sont des acteurs complets, non seulement capables d’une grande force d’impact, mais aussi d’une grâce et d’une évidence saisissantes.

Propos recueillis par Catherine Robert

 

A propos de l'événement

Tohu-Bohu
du mardi 3 mai 2016 au vendredi 13 mai 2016
La Commune
2 Rue Edouard Poisson, 93300 Aubervilliers, France

Tohu-Bohu. Du 3 au 6 mai 2016. … que nuage… Du 10 au 13 mai. Mardi et mercredi à 19h30 ; jeudi et vendredi à 20h30. Tél. : 48 33 16 16.

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