La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Madame Marguerite

Madame Marguerite - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DU LUCERNAIRE
Stéphanie Bataille. © D. R.

Le Lucernaire / de Roberto Athayde / mes Anne Bouvier

Publié le 23 novembre 2017 - N° 260

Le monologue marqué par l’interprétation d’Annie Girardot dans les années 70 est remonté avec l’impeccable Stéphanie Bataille.

En pleine dictature militaire brésilienne, Roberto Athayde, né en 1949, écrit Madame Marguerite, sous-titré Monologue pour une femme impétueuse. De fait, l’institutrice qui durant plus d’une heure fait la classe à ses élèves de 7e (CM2) n’est en rien conventionnelle. Les mathématiques, la biologie, la fonction des verbes ou des adverbes sont bien des notions traitées, mais d’une façon peu orthodoxe au regard des programme classiques d’une école. Ainsi, la division, décrite comme une « opération destinée à faucher un maximum aux autres », se comprend comme une allégorie du pouvoir, notion au cœur de ce monologue qui fait écho aux dictatures autoritaires d’Amérique du Sud. C’est Annie Girardot qui a fait connaître ce texte au Théâtre Montparnasse dans une mise en scène de Jorge Lavelli dans les années 70. Quarante ans après, au Lucernaire, Stéphanie Bataille endosse le rôle sous la direction d’Anne Bouvier. Un rôle fort comme elle les aime, elle qui a joué Les Monologues du vagin ou Peggy Guggenheim.

Dénonciation de l’endoctrinement

Dès le début, dans la petite salle du Paradis située tout en haut du théâtre du Lucernaire, l’ambiance est celle d’une salle de classe où les spectateurs assis sur les banquettes se sentent des écoliers devant leur maîtresse. La mise en scène est simple (tableau noir, bureau), et permet de jouer avec les spectateurs. Stéphanie Bataille, chemise blanche, pantalon noir et baskets, installe d’emblée son autorité, entre bienveillance apparente et invectives contre ses élèves qui ne savent rien. Des tics la traversent régulièrement, faisant penser, mutatis mutandis, à ceux du Dictateur de Chaplin, métaphore filée à la fin, où, de dos, l’institutrice paraît l’incarnation d’un chef autocratique haranguant la foule. Il faut saluer le talent de la comédienne dans ce texte perpétuellement sur la corde raide. Elle se montre tour à tour pathétique, névrosée, attachante, hystérique ou touchante. Certes, le texte a un peu vieilli, sans doute parce que Mai 68 est passé par là ou que le contexte politique a changé. La métaphore du dictateur cède le terrain par rapport à une interprétation plus large où l’auteur semble nous enjoindre, dans cette société rongée par l’individualisme et le politiquement correct, à résister aux techniques de manipulation et de soumission. En ce sens, Madame Marguerite et sa dénonciation des entreprises d’endoctrinement sont toujours pertinentes.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Madame Marguerite
du mercredi 8 novembre 2017 au jeudi 27 décembre 2018
THEATRE DU LUCERNAIRE
53 Rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris, France

à 19h. Séances exceptionnelles les dimanche 24 décembre à 15h et 31 décembre à 19h. Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h15.

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