La Terrasse

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Théâtre - Entretien

Macbeth

Macbeth - Critique sortie Théâtre Paris Odéon-Théâtre de l’Europe
Stéphane Braunschweig Crédit : Carole Bellaïche

Théâtre de l’Odéon / texte de William Shakespeare / mes Stéphane Braunschweig

Publié le 20 décembre 2017 - N° 261

Il n’était pas revenu au théâtre de Shakespeare depuis quinze ans. Stéphane Braunschweig renoue avec l’auteur anglais à travers une mise en scène de Macbeth. Avec, au centre de sa réflexion sur la pièce, un couple fusionnel interprété par Chloé Réjon et Adama Diop.

Que représente le théâtre de Shakespeare dans votre parcours et votre imaginaire de metteur en scène ?

Stéphane Braunschweig : Une place fondamentale. J’ai mis en scène, au total, quatre pièces de Shakespeare : trois à l’occasion de spectacles – Le Conte d’hiver en 1993, Mesure pour mesure en 1997, Le Marchand de Venise en 1999 – et une quatrième en 2002, Tout est bien qui finit bien, lors d’un atelier avec les élèves du Théâtre national de Strasbourg. Il se trouve que Le Conte d’hiver a été une pièce essentielle dans mon parcours. D’abord parce que c’est l’œuvre sur laquelle j’ai travaillé pour le concours d’entrée à l’Ecole de Vitez, en 1986. Et puis, parce que le spectacle que j’ai réalisé à partir de cette pièce, sept ans plus tard, est celui que j’ai considéré à l’époque comme le plus abouti. Il a vraiment représenté un moment-charnière dans le trajet du jeune metteur en scène que j’étais à l’époque. Suite à cela, j’ai donc monté trois autres « pièces à problème » de Shakespeare, comme on les appelle, c’est-à-dire des œuvres que l’on n’arrive à classer ni dans les comédies ni dans les tragédies, car elles naviguent entre ces deux genres.

Aujourd’hui, vous vous emparez d’une tragédie à part entière : Macbeth

S.B. : Oui. Cela faisait longtemps que j’avais envie de mettre en scène cette pièce. J’ai commencé à travailler dessus en 2004, après mon atelier sur Tout est bien qui finit bien. Mais je ne suis pas allé au bout de ce projet…

Pour quelles raisons ?

S.B. : D’abord, parce que je n’ai pas réussi à réunir la distribution que je souhaitais. D’autre part, parce qu’aucune des traductions que je lisais ne me satisfaisait complètement. J’ai donc fini par laisser ce projet de côté. Après cela, j’ai rêvé de recréer Mesure pour mesure, mais je ne l’ai pas fait. J’ai rêvé de mettre en scène Othello, mais je ne l’ai pas fait non plus ! Je crois que, au fond, j’avais envie, à cette période, de me plonger dans des écritures moins baroques.

« J’aime la complexité des personnages qui, torturés par un idéal, en viennent à torturer les autres pour ce même idéal. »

Qu’est-ce qui retient particulièrement votre attention dans Macbeth ?

S.B. : Déjà, c’est l’une des rares pièces dont le personnage principal est un couple. Je trouve cela très intéressant. Et puis, j’aime la complexité des personnages qui, torturés par un idéal, en viennent à torturer les autres pour ce même idéal. C’est le cas de Macbeth, ce héros de guerre qui tombe. Après avoir sauvé l’Ecosse, il bascule dans le crime et une forme de folie. Mais le monde que décrit Shakespeare va mal avant même la prise de pouvoir de Macbeth. Il y a déjà quelque chose de pourri au royaume d’Ecosse… Finalement, peut-on vraiment rester pur dans un monde mauvais ? C’est la question fondamentale que pose cette pièce. Enfin, la dimension surnaturelle de Macbeth m’intéresse beaucoup. Cette société au sein de laquelle l’invisible finit par avoir davantage d’importance que le rationnel a, il me semble, quelques similitudes avec la société d’aujourd’hui…

Quel regard portez-vous, à travers votre mise en scène, sur le couple Macbeth / Lady Macbeth ?

S.B. : Pour moi c’est un couple équilibré. Je ne crois pas en un Macbeth faible et une Lady Macbeth toute puissante. Je ne pense pas que ce soit elle qui réalise, à travers lui, une ambition politique personnelle. Je vois ce couple comme un couple fusionnel à l’intérieur duquel les fragilités de l’un et de l’une sont pondérées par les forces de l’autre, un couple fusionnel qui a un projet commun : devenir roi et reine d’Ecosse. Et ce qui est frappant, c’est qu’une fois cet objectif atteint, Macbeth et Lady Macbeth vont défusionner.

De quelle façon projetez-vous ces personnages dans notre époque ?

S.B. : La traduction que j’ai écrite avec Daniel Loayza est une traduction littérale. Mon projet est vraiment de jouer la pièce. Sans l’adapter. A partir de là, les choses datées que l’on entend sont envisagées comme des métaphores, des allégories. J’ai voulu extraire Macbeth d’une dimension purement réaliste. L’idée n’est pas de faire comme si cette histoire se passait aujourd’hui, mais de faire naître un aujourd’hui large qui puisse servir de caisse de résonnance à des corps et des sensations contemporains, qui puisse rendre vivante la ligne de crête entre l’humain et le non-humain sur laquelle avance la pièce.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Macbeth
du vendredi 26 janvier 2018 au samedi 10 mars 2018
Odéon-Théâtre de l’Europe
Place de l'Odéon, 75006 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h. Relâche les lundis et le dimanche 28 janvier. Tél. : 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu

Egalement à la Comédie de Reims du 16 au 18 mai 2018.

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