La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

L’Idiot

L’Idiot - Critique sortie Théâtre
( Photo Manolo Mylonas ) Légende photo : Le Prince nocturne Mychkine au cœur de la famille du Général Epantchine.

Publié le 10 octobre 2007

L’appel de l’amour dostoïevskien dans toute sa splendeur sulfureuse par Bourseiller, Markowicz et les autres…

L’Idiot,selon le traducteur André Markowicz, est un roman dont Dostoïevsky écrivit les cinq cents premières pages en trois semaines. Soit la fulgurance d’une écriture traquée par l’urgence géniale de son auteur puisqu’elle égrène patiemment les thèmes du double, de la présence de Dieu et du mal, de l’Apocalypse comme de l’épilepsie. Dans la mise en scène d’Antoine Bourseiller, le titre de L’Idiot sied au Prince Mychkine, jeune homme désargenté et candide qui revient à Saint-Pétersbourg après un long séjour passé en Suisse dans un sanatorium. Dans le train du retour, Mychkine rencontre le riche marchand Rogojine qui lui vante en amoureux une beauté fatale, Nastassia Filippovna, la proie d’une meute d’hommes aux abois. Mais l’art du Prince, en toute innocence pure, est d’apporter la lumière, que ce soit en présence de la société étroite et bourgeoise du général Epantchine, ou bien face à son ami Rogojine, concurrent direct dans la conquête possessive de Nastassia, ou bien devant cette dernière même qui n’est pas non plus celle qu’elle aimerait paraître. Ces illuminations ne sauraient plaire à ces ombres platoniciennes, figures de chair révélées enfin à elles-mêmes.
 
Bourseiller honore la difficile attente scénique dostoïevskienne
 
Une transfiguration que personne n’exigeait mais qui s’impose par l’extrême lucidité et la franchise absolue de Mychkine, victime par ailleurs de crises d’épilepsie – de petites Apocalypses dont les bouleversements sont suivis de résurrections, l’accès prometteur à un niveau de conscience supérieur. Une maladie maudite éprouvée par l’écrivain russe et désignée comme le haut mal, le mal divin ou le mal sacré. L’Idiot Mychkine investit une figure christique de douceur tandis que Rogojine assume la violence d’une passion charnelle sincère – l’esprit, d’un côté et le corps, de l’autre. Qui, dans cette course à la séduction, passe pour le moins blâmable et le moins souillé de ce duo ? L’idéaliste sans malice, ou bien le riche marchand qui agit selon ses sentiments voraces et cupides avec une honnêteté naturelle et une droiture spontanée ? L’être est fait de cette duplicité infinie et incontrôlable, une humanité intériorisée où se mêlent attraction et haine. Bourseiller honore la difficile attente scénique dostoïevskienne, son exaltation, sa puissance, sa profondeur et ses tourments. D’excellents comédiens apportent sur le plateau la grâce effervescente d’une vie vécue. Le trio amoureux d’abord avec Jade Duviquet, une maîtresse convaincante ; Hervé Sogne, un moujik de force et de fragilité ; Alexandre Ruby en Prince Mychkine, équivoque et attachant. Un enthousiasme servi par des acteurs incisifs tels que Steve Bedrossian et Marie-Do Fréval, accompagnés d’Émilie Chevrillon, Jacky Delassosais, Laëtitia Guédon, Jean-Paul Journot, Christian Lucas et Michaël Vander-Meiren. Bravo.
Véronique Hotte


L’Idiot
De Fédor Dostoïevsky, texte français André Markowicz, adaptation et mise en scène d’Antoine Bourseiller, du mercredi au vendredi 20h30, samedi 17h et 21h, dimanche 15h au Théâtre Mouffetard 73, rue Mouffetard 75005 Paris Tél : 01 43 31 11 99

A propos de l'événement


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