La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2013 - Entretien Aristide Tarnagda

L’exil impossible

L’exil impossible - Critique sortie Avignon / 2013 Avignon Chapelle des pénitents blancs

Et si je les tuais tous / Chapelle des Pénitents blancs
Texte et mes Aristide Tarnagda

Publié le 27 juin 2013 - N° 211

Les secondes se précipitent, crépitent sous le jaillissement des mots. Une minute et le feu passera au vert, et le destin s’en ira dans le vrombissement des cylindrés. Lamine est au bord de la route, quelque part dans une ville. Il hésite… Fuir, braquer une voiture ou retrouver sa femme et son fils abandonnés ? Dans Et si je les tuais tous, Madame ?, l’écrivain et metteur en scène burkinabé Aristide Tamagda, 30 ans, se glisse dans les flots d’une pensée, où se mêlent souvenirs et révoltes, rêves et désillusions.

« Comme artiste, je préfère être un homme qui inquiète plutôt qu’il rassure. »

Partir… ou rester ? Lamine se pose et pose la question de l’exil. Est-ce un thème qui vous touche ?

Aristide Tarnagda : L’exil est en effet une réalité que connaît la société burkinabé et aussi que j’éprouve, puisque je suis souvent à des milliers de kilomètre de chez moi. Beaucoup de gens aspirent à partir, parce qu’on leur fait croire que le bonheur est ailleurs. La pauvreté, l’espoir d’un avenir meilleur… poussent certains à quitter les leurs. L’éclatement des familles est un phénomène très actuel au Burkina, parce qu’il faut migrer seul.

D’où cette la difficulté d’assumer la relation au père autant que la responsabilité d’être père, qui tend tout le monologue de Lamine ?

A. T. : Ici, souvent, les pères ne voient pas leurs enfants. J’ai baigné dans ce contexte. Ces questions rejaillissent dans l’écriture…

Lamine colère aussi contre l’emprise de la logique capitaliste qui transforme les êtres en bêtes de somme…

A. T. : Sans doute est-ce lié à mon parcours… Je suis né au village, resté à écart du système capitaliste. Y règnent une autre conception du travail, un rapport au monde différent, de forts liens de solidarité. Nous vivons aujourd’hui dans une société de plus en plus atomisée, où les gens sont déconnectés d’eux-mêmes, de leur famille. Mon rôle en tant qu’écrivain burkinabé est de parler de cet état du monde, qui est le produit de notre époque. Nous le subissons mais nous en sommes aussi responsables à travers le choix de nos dirigeants. Beaucoup de Burkinabés ne comprennent pas les rouages du système et sont avalés dans l’engrenage du capitalisme, en butte à des valeurs qui leur sont étrangères. Nous sommes devenus des esclaves enchaînés à l’argent, nous avons perdu le « pourquoi » de nos actes… Comme artiste, je préfère être un homme qui inquiète plutôt qu’il rassure, pour reprendre les mots de Césaire.

Comment abordez-vous la mise en scène avec Lamine Diarra, Hamidou Bonssa et le groupe Faso Kombat ?

A. T. : Mon théâtre naît de la rencontre. C’est une drôle d’alchimie… Nous nous sommes d’abord laissé porter par le rythme et le phrasé de la langue, avant même de travailler à l’incarnation. Au fil du récit, on glisse ainsi d’un personnage à l’autre. Le rap du groupe Faso Kombat se frotte aux chansons d’inspiration plus traditionnelle d’Hamidou Bonssa. Nous cherchons l’urgence dans le temps suspendu, pour embarquer le spectateur dans le vertige de cette parole.

 

Entretien réalisée par Gwénola David

A propos de l'événement

Et si je les tuais tous
du mercredi 24 juillet 2013 au vendredi 26 juillet 2013
Chapelle des pénitents blancs
place de la Principale, Avignon

Festival d’Avignon. Chapelle des Pénitents blancs. Du 24 au 26 juillet à 15h. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 1h.
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