La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2016 - Entretien / Aurélien Bory

L’espace mis en scène

L’espace mis en scène - Critique sortie Avignon / 2016 Avignon Festival d’Avignon. Opéra du grand Avignon
Crédit photo : Aglae Bory Légende photo : Aurélien Bory.

Festival d’Avignon / Espaece
Conception et mise en scène Aurélien Bory

Publié le 26 juin 2016 - N° 245

« J’aime multiplier les contraintes lorsque j’écris : ce sont les pompes aspirantes de mon imagination. » avouait Georges Perec… L’écrivain se fixait ainsi des systèmes de règles qui opéraient comme des « machines à écrire ». Metteur en scène de cirque, Aurélien Bory remplace la page blanche par le plateau nu et déploie les outils du théâtre pour questionner l’espace.

Dans Espèces d’espaces, Perec balaye les multiples échelles de l’idée d’habiter, examinant son rapport à l’espace dans toutes ses dimensions, de la page blanche au vide sidéral, en passant par la ville. Comment cette lecture a-t-elle nourri la création ?

Aurélien Bory : J’ai pénétré dans l’univers littéraire de Perec par cet essai. Son œuvre combine plusieurs facettes : une réflexion sociologique notamment sur l’infra-ordinaire, l’utilisation des contraintes comme mécaniques créatives, la veine romanesque et le récit autobiographique. C’est l’écho entre sa propre histoire et son écriture que j’ai le plus exploré, observant des motifs récurrents dans ses textes, tels que le vide, le trou, l’absence ou la trace, celle qu’on laisse mais aussi celle qu’on suit. Perec a tiré le fil de son enfance, marquée par la disparition de sa mère dans le camp d’Auschwitz : une mort sans sépulture qui ne s’inscrit dans aucun lieu. La description méthodique de l’espace semble nouée à cette expérience fondatrice, à la quête obstinée de l’endroit qui n’existe pas.

La problématique de l’espace pose aussi une constante dans vos productions. Comment la dépliez-vous ici ?

A.B.  : Je conçois en effet le théâtre comme un art de l’espace. J’ai interrogé l’articulation entre la démarche de Perec et mon travail. Comment ses questionnements sur l’espace résonnent-ils sur un plateau de théâtre ? « L’objet de ce livre n’est pas exactement le vide, ce serait plutôt ce qu’il y a autour ou dedans » note-il en ouverture d’Espèces d’espaces. J’ai transposé cet objectif au vide de la scène et superposé l’espèce et l’espace dans « espaece ». La dramaturgie croise quatre axes de recherche : la littéralité, c’est-à-dire ce qui fait l’espace et la machinerie théâtrale ; le trompe-l’œil, son corollaire, qui fonde la convention ; la disparition, liée à la présence de l’acteur ; la trace, au sens propre comme au figuré. Le théâtre réécrit sans cesse sur des traces, que d’autres créateurs ont creusées ou que soi-même on a posées et qu’on précise au gré des répétitions.

« J’ai interrogé l’articulation entre la démarche de Perec et mon travail. »

Quel protocole de création avez-vous mis en place ?

A. B.  : J’ai réalisé des « brouillons », qui reprennent la forme du livre de Perec, composé de notes, de textes épars, de citations, d’informations objectives, d’histoires autobiographiques, de documents d’archives, rassemblés comme une matière préparatoire. Chaque brouillon devait se réaliser en une semaine seulement de travail à partir d’une des quatre thématiques tirées de l’œuvre. Suivait ensuite une semaine de représentations. Ces tentatives ont fait émerger des pistes et permis d’en abandonner d’autres. La création s’appuie sur les fragments ainsi constitués, sur le processus d’écriture de Perec, sur les personnalités, très différentes, qui composent l’équipe artistique : l’acrobate Guilhem Benoit, le danseur-équilibriste Mathieu Desseigne Ravel, la contorsionniste Katell Le Brenn, la chanteuse lyrique Claire Lefilliâtre et le comédien Olivier Martin-Salvan. S’y mêlent des réflexions plus intimes sur le vide, sur la solitude, qui est notre condition existentielle. Le tout s’agence comme un puzzle en mouvement, qui imbrique ces multiples pièces du jeu.

 

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

L’espace mis en scène
du vendredi 15 juillet 2016 au samedi 23 juillet 2016
Festival d’Avignon. Opéra du grand Avignon
1 Rue Racine, 84000 Avignon, France

à 18h, relâche le 18 juillet.

Tél: 04 90 14 14 14. Durée: 1h

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